[DROIT PUBLIC] Nouveaux CCAG, les points clés à retenir

[DROIT PUBLIC] Nouveaux CCAG, les points clés à retenir
09/09/2021 , 06h36 Droit Public des Affaires

Busch Maxime Lexcase Avocat Droit Public des affaires / Droit de l'urbanisme, de l'aménagement et de l'environnement Marseille

Maxime Busch, Of Counsel en droit public, explique sur le blog du droit des Contrats Publics les points clés à retenir des nouveaux CCAG.
Retrouvez l’intégralité de l’article ci-dessous : 

 

Si les nouveaux CCAG publiés au JORF du 1eravril 2021 ont fait couler beaucoup d’encre, il ne faut pas se méprendre : les rédacteurs n’ont pas fondamentalement bouleversé l’esprit et les règles générales des précédents CCAG de 2009.

Au-delà de quelques précisions et modernisations (BIM, facturation électronique, etc.) et de la création d’un sixième CCAG (maîtrise d’œuvre), il est toutefois possible d’identifier quelques évolutions plus importantes, la plupart communes à tous les CCAG (travaux, fournitures courants et services, prestations intellectuelles, techniques de l’information et de la communication, marchés industriels, maîtrise d’œuvre).

Nous avons choisi ici de traiter des évolutions qui auront probablement le plus d’incidence dans la pratique courante des acheteurs et des entreprises.

Entrée en vigueur, la règle du « avant / après » le 1er octobre 2021

Pour répondre à une demande forte des acheteurs, des règles d’entrée en vigueur différée ont été établies.

Tout d’abord, et c’est logique, les marchés appliquant un CCAG et pour lesquels une consultation a été lancée avant le 1eravril 2021 restent soumis au CCAG de l’époque (la plupart du temps un CCAG de 2009, mais certains marchés plus anciens appliquant un CCAG de 1976 ou de 1978, peuvent encore perdurer).

À compter du 1eravril 2021 (date de lancement de la consultation), ce sont toujours les CCAG de 2009 qui s’appliquent par défaut, sauf mention explicite contraire de la part de l’acheteur.

Et ce n’est qu’à compter du 1eroctobre 2021 (date de lancement de la consultation) que les CCAG 2021 s’appliqueront par défaut, c’est-à-dire qu’un marché ne mentionnant que l’expression « CCAG » sans référence à une année devra être interprété comme se référant au CCAG 2021.

Bien entendu, ces règles ne trouvent à s’appliquer que si le marché en question se réfère explicitement à un des CCAG, puisque ces documents restent d’application totalement facultative.

À noter qu’aucun texte ni aucune jurisprudence n’interdit aux acheteurs de continuer à se référer aux anciens CCAG (ceux de 2009, voire ceux de 1976 et 1978) après le 1eroctobre 2021, mais cela est à déconseiller : les CCAG en vigueur sont à jour des évolutions législatives, réglementaires et technologiques et donc mieux adaptés[1].

Plutôt que de recourir à un ancien CCAG, il est largement préférable pour l’acheteur de déroger dans son CCAP à telle ou telle clause du nouveau CCAG qui ne lui conviendrait pas.

Plafonnement des pénalités de retard à 10 % : trop ou pas assez ?

Les CCAG prévoient désormais que le montant des pénalités de retard ne pourra excéder le seuil des 10 % du montant total (HT) du marché, de la tranche considérée ou du bon de commande.

Ce seuil de 10% a été largement discuté, tantôt encensé, tantôt critiqué.

D’une part, il est vrai que ce plafonnement à 10 % s’avère bien inférieur au seuil retenu actuellement par la jurisprudence pour apprécier un éventuel « montant manifestement excessif » des pénalités (plutôt de l’ordre de 40-50 %. Cf. arrêt de principe : CE 29 décembre 2008, OPHLM de Puteaux, n°296930).

Mais d’autre part, il faut rappeler que ce plafond reste deux fois supérieur à celui prévu par les CCAG applicables aux contrats privés de travaux (seuil de 5 %, cf. norme NF P03-001 et NF P03-002).

Chaque acheteur se fera son opinion, sachant qu’il est bien évidemment possible de déroger à ce seuil, soit en supprimant tout plafonnement (ce qui n’est pas conseillé pour les marchés les plus importants, car cela peut limiter les efforts en matière de de prix de la part des candidats), soit en appliquant un plafonnement un peu plus élevé.

Enfin, nous relèverons que ce seuil ne s’applique qu’aux pénalités de retard et non à l’ensemble des pénalités prévues par le marché (par exemple celles liées à la qualité du service, au respect des conditions d’exécution, etc.).

Les CCAG prêts pour l’application de la loi Climat et résilience

Devançant la loi Climat et résilience du 22 août 2021[2], les CCAG ont mis en place un arsenal contractuel en vue de l’intégration dans le marché de conditions d’exécution en faveur de l’insertion sociale et de la protection de l’environnement. Ces stipulations, notamment pour ce qui concerne l’application des pénalités, renvoient toutefois aux CCAP et ne sont donc pas autonomes.

Attention, comme nous l’annoncions précédemment[3], l’insertion de conditions d’exécution relatives à la protection de l’environnement sera obligatoire d’ici, au maximum, cinq ans (article 35 de la loi climat et résilience et futur article L. 2112-2 du code de la commande publique). Il en ira de même s’agissant des conditions relatives à l’insertion sociale, mais uniquement pour les marchés dont le montant sera supérieur aux seuils européens et sauf quelques exceptions visées par le futur article L. 2112-2-1 du même code.

Les CCAG sont donc déjà prêts pour l’application de cette nouvelle loi.

Renforcement des échanges par voie dématérialisée : attention aux délais

Par défaut, toute notification relative à l’exécution du marché est admise par voie dématérialisée, y compris les ordres de service (OS), qui d’ailleurs n’ont plus à être signés.

Les parties devront toutefois veiller à pouvoir donner date certaine à leurs échanges, surtout pour les plus importants (notifications d’OS, réserves sur OS, mémoire en réclamation, etc.).

Sauf cas d’utilisation de la plateforme acheteur ou du courrier recommandé électronique, le classique courrier postal recommandé avec accusé de réception (le cas échéant avec envoi anticipé par courrier électronique), reste donc largement d’actualité.

À noter que lorsque les échanges s’effectuent via le profil d’acheteur, les CCAG instituent une présomption de réception des documents au bout de 8 jours, même en cas de non-téléchargement. En cas d’envoi d’un document en dernière limite de délai (expirant sous moins de 8 jours), il vaut donc mieux privilégier la voie du courrier postal recommandé, la remise en mains propres contre récépissé ou éventuellement le fax si les parties en sont encore dotées.

Fin de l’absence de délai pour saisir le tribunal d’une contestation du solde des marchés de fournitures ou de services : une meilleure sécurisation juridique de la fin des relations contractuelles

Hormis le cas particulier du CCAG Travaux, les précédents CCAG ne prévoyaient aucun délai pour contester le rejet des réclamations par l’acheteur.

Si bien que dans le cas des marchés prévoyant une procédure de règlement du solde, le titulaire pouvait saisir le tribunal administratif du rejet de sa réclamation contestant ce solde sans aucune contrainte de délai, si ce n’était celle de la prescription.

Désormais, dans les CCAG autres que les CCAG travaux et maîtrise d’œuvre, un délai de deux mois est imparti au titulaire pour saisir le juge du rejet d’une réclamation relative au solde du marché.

Le CCAG Travaux conserve quant à lui le délai de six mois qui était déjà prévu par celui de 2009. Quant au CCAG maîtrise d’œuvre, il s’aligne de façon bienvenue sur les règles du CCAG Travaux (tant pour le délai de recours contentieux que pour les modalités de règlement des comptes).

Procédure contradictoire avant application de pénalités : attention à bien la respecter

Tous les CCAG prévoient désormais la mise en œuvre d’une procédure contradictoire avant toute application de pénalité de retard par l’acheteur (ne sont pas concernées les autres pénalités).

Les CCAG ne précisent pas si le non-respect par l’acheteur de cette formalité préalable entraîne l’impossibilité d’appliquer les pénalités, mais il vaut mieux être prudent (soit en dérogeant au CCAG, soit en respectant scrupuleusement cette nouvelle obligation, quitte à la régulariser en amont de l’établissement du solde du marché).

Clarification de la notion de différend, une précision bienvenue

Sous l’empire des anciens CCAG (hors CCAG Travaux), la date d’apparition d’un différend, faisant courir le délai imparti au titulaire pour présenter sa réclamation, était parfois difficile à appréhender.

Les nouveaux CCAG clarifient enfin la notion d’apparition du différend, en apportant une définition plus précise (prise de position écrite et non équivoque de l’acheteur faisant apparaitre un désaccord, silence gardé par l’acheteur à la suite d’une mise en demeure de prendre position, assortie d’un délai minimal de 15 jours, absence de notification du décompte de résiliation dans le délai de deux mois).

Ordre de service et valorisation financière, une simple application de la PACTE

Les CCAG reprennent le principe de l’interdiction des OS à 0 € et du droit à être rémunéré de toute prestation supplémentaire, consacré par l’article L. 2194-3 du code de la commande publique, issu de la loi PACTE du 22 mai 2019 (ne faisant elle-même que codifier une jurisprudence pré existante).

Dans le même esprit, les CCAG prévoient désormais de façon explicite que le titulaire peut refuser d’exécuter un OS prescrivant des prestations supplémentaires s’il n’est pas valorisé.

Règlement des comptes dans les marchés de travaux : prise en compte de la jurisprudence préexistante

La procédure de règlement des comptes des marchés publics de travaux, souvent assez mal maîtrisée par les entreprises et les maîtres d’ouvrage, n’est pas bouleversée, mais évolue sur quelques détails et délais. En particulier, le nouveau CCAG Travaux précise que si des réserves émises à la réception ne sont pas levées ou si le maître d’ouvrage a connaissance d’un litige ou d’une réclamation susceptible de concerner le titulaire, il doit alors assortir le décompte général de réserves.

Ces réserves ne sont pas nécessairement chiffrées. À défaut, si le décompte général devient définitif, le MOA ne pourra plus réclamer les sommes nécessaires à la levée des réserves, ni appeler ce dernier à le garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre dans le cadre d’une procédure contentieuse au titre des litiges ou réclamations dont il avait connaissance au moment de l’établissement du décompte.

La consécration de ce principe préexistant (CE 6 avril 2007, CH Boulogne-sur-Mer, n°264490 ; CE, 20 mars 2013, CH Versailles, n°357636), mais jusqu’à lors non écrit est évidemment bienvenue.

 

[1] En ce sens, la DAJ déconseillait déjà aux acheteurs, à l’occasion de la parution des CCAG de 2009, d’avoir recours aux précédentes versions des CCAG. Aucune interdiction n’était toutefois formellement édictée.

[2]Loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

[3] https://droit-des-contrats-publics.efe.fr/2021/04/13/projets-de-loi-climats-impacts-sur-la-commande-publique/