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L’ordonnance du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du Code de commerce
Ordonnance relative à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées
L’ordonnance du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du Code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées apporte d’importantes modifications au droit de la concurrence. Le législateur a voulu assurer une meilleure intelligibilité des règles, mais surtout une plus grande sécurité juridique pour les acteurs économiques, en s’efforçant de prendre en compte les impératifs de la vie des affaires. Elle vient également sanctionner les abus éventuels de la grande distribution à l’égard de ses fournisseurs.
Cette ordonnance est applicable à tous les contrats ou avenants conclus postérieurement à son entrée en vigueur.
Cette application immédiate fait toutefois l’objet de deux exceptions.
Une première exception porte sur les contrats pluriannuels en cours d’exécution : ces contrats devront être mis en conformité avec les dispositions de l’ordonnance au 1ermars 2020.
Une seconde exception s’applique aux professionnels : ceux-ci ont jusqu’au 1eroctobre 2019 pour se mettre en conformité avec les nouvelles règles de facturation.
Afin d’assurer une plus grande transparence dans les relations entre commerçants, l’ordonnance vient notamment éclairer et modifier les obligations du commerçant s’agissant de ses conditions générales de vente, les régimes de la convention unique, les délais de paiement et les règles de facturation (1).
Par ailleurs, l’ordonnance simplifie les pratiques commerciales déloyales et modifie notamment les modalités du préavis dans le cadre d’une rupture brutale des relations commerciales établies (2).
1. SUR LA TRANSPARENCE
1.1 Les modifications concernant les conditions générales de vente
L’ordonnance du 24 avril 2019 crée un article spécifique aux conditions générales de vente (jusqu’alors prévu à l’article L. 441-6 du Code de commerce) décomposé en quatre point distincts : contenu des CGV, obligation de communication, utilité dans la négociation commerciale, sanctions en cas de défaut de communication.
Jusqu’à présent, le fait de ne pas communiquer ses conditions générales de vente à un acheteur de produit ou un demandeur d’une prestation de service pour son activité professionnelle était sanctionné par une amende civile en vertu de l’article L. 442-6, I, 9° du Code de commerce. Il était donc nécessaire de saisir la juridiction pour qu’une condamnation soit prononcée.
Ce qui change : l’ordonnance vient remplacer la sanction civile par une sanction administrative d’un montant de 15.000 euros pour une personne physique et de 75.000 euros pour une personne morale. Cette sanction pourra être prononcée par l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation.
1.2 Les modifications concernant les conventions uniques
A. Le contenu de la convention unique
Le législateur allège les obligations relatives à la convention unique excepté pour les acteurs de la grande consommation.
Jusqu’à présent, deux régimes gouvernaient la convention unique :
- Un premier régime applicable aux relations établies entre un fournisseur et un distributeur, prévu à l’actuel article L. 441-7 du Code de commerce ;
- Un second régime, avec un formalisme allégé, applicable aux conventions conclues avec les grossistes, prévu à l’article L. 441-7-1 du Code de commerce.
Ce qui change : l’ordonnance prévoit deux nouvelles conventions ayant chacune leur régime propre :
- Un régime allégé applicable à tous les fournisseurs et distributeurs ou prestataires de service (y compris les grossistes). Ce régime prévu au nouvel article L. 441-3 du Code de commerce est sensiblement identique à celui qui s’appliquait jusqu’alors aux grossistes (ancien article L. 441-7-1 du Code de commerce).
- Un régime applicable à tous les fournisseurs et distributeurs ou prestataires de services (excepté les grossistes) lorsqu’elle porte sur des produits de grande consommation définis comme des produits non durables à forte récurrence de consommation. Cette convention devra respecter non seulement les dispositions prévues à l’article L. 441-3 du Code de commerce, mais également celles figurant à l’article L. 441-4.
- L’ordonnance prévoit, que, pour tenir compte de la vie des affaires, la convention pourra faire l’objet d’avenant. Ce dernier doit être impérativement écrit et mentionner la modification apportée, afin de s’assurer que la modification ne remet pas en cause l’économie générale du contrat.
B. La redéfinition du prix convenu pour un meilleur contrôle de l’administration
L’ordonnance prévoit que la convention écrite mentionne le prix convenu entre les parties. Ce dernier correspond dorénavant au prix dit « triple net » et non seulement au prix indiqué sur la facture du fournisseur.
Jusqu’à présent, la notion de « prix convenu » prenait en compte les remises liés aux conditions de l’opération de vente (L. 441-7, I, 1° du Code de commerce) et les autres obligations rendues par le distributeur (L. 441-7, I, 3° du Code de commerce). Il s’agissait autrement dit du prix figurant sur la facture du fournisseur.
La coopération commerciale (L. 441-7, I, 2°) que le distributeur facturait au fournisseur n’était pas pris en compte et faisait l’objet d’une autre facturation
Cette définition ne correspondait par conséquent pas à la réalité de la vie des affaires et ne permettait pas de connaitre le réel tarif négocié entre les parties. En effet, les distributeurs et les fournisseurs négocient en pratique sur la base d’un prix dit « triple net », qui est le tarif unitaire du fournisseur net de toute remise, ristourne et coopération commerciale.
Ce qui change : l’ordonnance fait désormais mention du prix « triple net » pour définir la notion de prix convenu, afin de prendre en compte l’ensemble des négociations.
L’administration pourra dorénavant contrôler plus précisément le prix réellement négocié entre les parties
C. Sur la date d’envoi des CGV
Jusqu’à présent, l’article L. 441-7 du Code de commerce prévoyait que le fournisseur communique ses CGV au distributeur au plus tard trois mois avant la date butoir du 1er mars ou, pour les produits ou services soumis à un cycle de commercialisation particulier, deux mois avant le point de départ de la période de commercialisation.
Ce qui change : si cette date a été maintenue par l’ordonnance pour les conventions relatives aux produits de grande consommation, elle a toutefois été modifiée s’agissant de la convention relative au régime général, qui prévoit dorénavant que la convention doit être communiquée dans un délai raisonnable avant le 1ermars.
D. Réécriture des dispositions relatives aux sanctions
Le nouvel article L. 441-6 du Code de commerce prévoit que tout manquement aux nouveaux articles L. 441-3 à L. 441-5 est sanctionné par une amende administrative d’un montant maximum de 75.000 euros pour les personnes physiques et 15.000 euros pour les personnes morales
1.3 Les modifications concernant les règles de facturation
Le nouvel article L. 441-9 du Code de commerce, issu de l’ordonnance du 24 avril 2019 prévoit deux mentions supplémentaires impératives sur la facture :
- L’adresse de facturation de l’acheteur et du vendeur (si celle-ci est différente de leur adresse),
- Le numéro du bon de commande.
Le but est de favoriser ainsi la célérité des affaires, accélérer le règlement des factures.
Jusqu’à présent, tout infraction aux règles de facturation, est sanctionnée par une amende pénale de 75.000 euros.
Ce qui change : les adresses de facturation et le numéro du bon de commande deviennent obligatoire. La sanction encourue devient une amende administrative de 75.000 euros pour une personne physique et de 375.000 euros pour une personne morale.
1.4 Les modifications concernant les délais de paiement
Jusqu’à présent, les dispositions régissant les délais de paiement étaient les articles L. 441-6, L. 441-6-1, L. 441-6-2, et L. 443-1 du Code de commerce. L’article L. 441-6 du Code de commerce qui prévoyait différents délais de paiement, traitait également des conditions générales de vente et de l’obligation d’information précontractuelle.
Ce qui change : dans un souci de simplification et de clarté, l’ordonnance prévoit dorénavant :
- un article entièrement consacré aux conditions générales de vente (article L. 441-1 du Code de commerce),
- un article entièrement consacré à l’obligation d’information précontractuelle (article L. 441-2)
- une sous-section dédiée aux délais de paiement. Aucune modification de fond n’est cependant apportée. Les textes sont simplement réorganisés de manière à être plus intelligibles. On notera simplement que la liste des secteurs dans lesquels des accords dérogatoires portant sur les délais de paiement ont été conclu a été intégrée dans la partie législative (nouvel article L. 441-12).
2. SUR LES PRATIQUES RESTRICTIVES DE CONCURRENCE ET LES AUTRES PRATIQUES
L’ordonnance réorganise autour de deux sections les pratiques commerciales déloyales :
- D’une part, les pratiques restrictives de concurrence qui regroupent certaines dispositions de l’actuel article L. 442-6 ;
- D’autre part, les autres pratiques prohibées.
2.1 La rationalisation des pratiques commerciales déloyales
Jusqu’à présent, l’article L. 442-6, I. du Code de commerce prévoyait une liste de treize pratiques restrictives de concurrence.
Ce qui change : le législateur a pris le parti de recentrer cette liste autour de trois pratiques générales :
- l’avantage sans contrepartie ;
- le déséquilibre significatif ;
- la rupture brutale des relations commerciales établies.
Il est à noter que le nouvel article L. 442-1 du Code de commerce modifie le champ d’application de ces pratiques.
Jusqu’à présent, pour être retenue, ces pratiques devaient être obtenues dans le cadre d’une relation avec un « partenaire commercial ». La jurisprudence imposait alors que la relation s’inscrive dans la durée.
Ce qui change : le nouvel article L. 442-1 remplace la notion de « partenaire commercial » par « l’autre partie », permettant d’inclure toutes les situations où une pratique illicite est imposée à un cocontractant.
2.2 Sur les modalités du préavis dans le cadre d’une rupture brutale des relations commerciales établies
Jusqu’à présent, la rupture brutale des relations commerciales établies était régie par l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.
Ce texte initialement conçu pour protéger les fournisseurs contre le déréférencement abusif des distributeurs assortis de préavis très brefs, prévoyait qu’un préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale devait être respecté. La durée du préavis n’était toutefois pas indiquée. Il devait être déterminé « en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ».
Cet article fait depuis un certain temps l’objet de vives critiques (augmentation de la durée des préavis, coût des indemnités n’incitant pas à faire jouer la concurrence…).
Ce qui change : cette pratique illicite, mentionnée dorénavant à l’article L. 442-1, II du Code de commerce prévoit que l’auteur d’une rupture d’une relation commerciale ne pourra pas voir sa responsabilité engagée en raison d’une durée insuffisante de préavis, si un préavis d’au moins 18 mois a été accordé.
2.3 La suppression des pratiques commerciales restrictives de concurrence inutilisée
Les autres pratiques mentionnées à l’ancien article L. 442-6 du Code de commerce ont été supprimés (à l’exception du 6°, recodifié à l’article L. 442-2 du Code de commerce).
Les comportements illicites supprimés pourront toujours être sanctionnés sur d’autres fondements tels que le déséquilibre significatif, ou encore l’avantage sans contrepartie.
2.4 Sur la mise en œuvre de l’action en justice concernant les pratiques restrictives de concurrence
Jusqu’à présent, ce point été réglé par le III, de l’article L. 442-6 du Code de commerce et prévoyait que : « L’action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d’un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l’économie ou par le président de l’Autorité de la concurrence […] »
Ce qui change : cette mise en œuvre est désormais régi par un nouvel article L. 442-4 du Code de commerce, qui clarifie le titulaire de l’action : toute personne justifiant d’un intérêt peut demander à la juridiction d’ordonner la cessation des pratiques ainsi que la réparation de son préjudicie.
Le plafond de l’amende civile reste le plus élevé de ces trois montants : 5 M d’euros, 5 % du chiffre d’affaires ou 3 fois les sommes indument perçues.
Le texte de l’ordonnance :
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Ordonnance n°2019-358 du 24 avril 2019 relative à l’action en responsabilité pour prix abusivement bas
Cette ordonnance fait suite aux États Généraux de l’alimentation ayant mis en exergue la fragilité des acteurs de la filière agricole dont les marges nettes n’ont cessé de se réduire et pour qui parfois, le coût de production dépasse le prix de vente de la production.
Les conditions permettant d’engager la responsabilité de l’acheteur lorsque ce dernier impose des prix abusivement bas étaient jusqu’à présent limitées et cantonnées à une situation de crise conjoncturelle.
L’ordonnance généralise la mise en cause de la responsabilité de l’acheteur qui imposerait un prix abusivement bas en supprimant toute exigence relative à la crise conjoncturelle, et prévoit dorénavant à l’article L. 442-9 du Code de commerce :
« Engage la responsabilité de son auteur, et l’oblige à réparer le préjudice cause, le fait pour un acheteur de produits agricoles ou de denrées alimentaires, de faire pratiquer par son fournisseur un prix de cession abusivement bas.
Pour caractériser un prix de cession abusivement bas, il est tenu compte notamment des indicateurs de coûts de production mentionnés aux articles L. 631-24, L. 631-24-1, L. 631-24-3 et L. 632-2-1 du code rural et de la pêche maritime ou, le cas échéant, de tous autres indicateurs disponibles dont ceux établis par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires mentionné à l’article L. 682-1 du même code. Dans le cas d’une première cession, il est également tenu compte des indicateurs figurant dans la proposition de contrat du producteur agricole. »
Cet article entrera en vigueur le 1erseptembre 2019 pour les contrats en cours d’exécution au 25 avril 2019.
Le texte de l’ordonnance :
Hubert de Boisse
Sébastien Semoun
Nina Martins
Avec la participation de Monsieur Augustin Croze, Elève-Avocat