[INDUSTRIES DES PRODUITS DE SANTÉ] L’ANSM suspend la commercialisation de produits mis sur le marché sous un statut de cosmétiques et ordonne leur retrait

[INDUSTRIES DES PRODUITS DE SANTÉ] L’ANSM suspend la commercialisation de produits mis sur le marché sous un statut de cosmétiques et ordonne leur retrait

L’équipe du département Industries des produits de santé revient, dans ce flash, sur la décision de police sanitaire de l’ANSM du 22 décembre 2022 portant suspension et retrait de l’ensemble des produits cosmétiques d’une marque pour non-respect de la réglementation applicable, publiée le 15 mars 2023.

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À l’occasion d’inspections menées en juin 2022 sur le site de production de l’entreprise et à son siège social, l’ANSM et la DGCCRF ont constaté plusieurs manquements à la réglementation applicable aux produits cosmétiques (statut sous lequel les produits étaient commercialisés) ainsi qu’aux médicaments (statut dont certains produits auraient dû relever).

Par une décision de police sanitaire longuement motivée, l’ANSM a donc décidé de suspendre la fabrication, la mise sur le marché, la publicité, la distribution et l’utilisation des produits cosmétiques de la marque, y compris ceux préparés spécifiquement pour certains clients, jusqu’à la mise en conformité complète avec les exigences réglementaires en vigueur.

Cette décision, d’une exceptionnelle gravité, est l’occasion de rappeler l’importance de bien qualifier les produits, afin d’appliquer et de respecter le bon corpus de règles avant et après leur commercialisation.

 

1. Manquements à la réglementation des produits cosmétiques justifiant selon l’ANSM la suspension de la commercialisation et le retrait des produits

 

Les produits étant commercialisés sous un statut cosmétique, c’est sous le prisme de la réglementation afférente que leur conformité réglementaire a tout d’abord été évaluée.

Manquements relatifs aux obligations préalables à la mise sur le marché :

  • L’absence de déclaration des activités de fabrication et de conditionnement des produits cosmétiques ;
  • L’absence complète de notification des produits cosmétiques sur le portail de notification des produits cosmétiques (CPNP), y compris pour les produits contenant des nanomatériaux ;
  • L’absence de rapports sur la sécurité pour les produits de la marque ;
  • La non-conformité des étiquetages (absence des précautions d’utilisation et des avertissements requis, ainsi que des éventuelles indications concernant les précautions particulières à observer pour les produits cosmétiques concernés par un usage professionnel, absence de liste INCI pour les produits utilisés dans les centres de soin, étiquetage sur les produits d’une adresse ne correspondant pas à celle où la personne responsable tient à disposition le dossier d’information sur le produit) ;
  • L’absence de rapports sur la sécurité, de formules établies et d’étiquetages pour les produits cosmétiques préparés spécifiquement pour les clients ;
  • La mise sur le marché, en tant que produits cosmétiques, de produits préparés spécifiquement pour les clients, contenant des glucocorticoïdes qui sont interdits dans les produits cosmétiques ;
  • La présence de lilial dans certains produits alors que cette substance est interdite dans les produits cosmétique depuis le 1er mars 2022 ;
  • La présence dans certains produits de cyclométicone (silicones) à une concentration supérieure au seuil maximal autorisé pour cette substance.

Manquements relatifs aux obligations post-commercialisation :

  • L’absence de dossiers d’information sur les produits de la marque et ceux préparés spécifiquement pour les clients ;
  • L’absence de gestion de la cosmétovigilance (absence de formulaire pour enregistrer les incidents de cosmétovigilance, absence de responsabilités définies et de formation du personnel).

 

2. Manquements à la réglementation des médicaments justifiant selon l’ANSM la suspension de la commercialisation et le retrait des produits

 

Il peut paraitre déroutant d’invoquer la réglementation des médicaments s’agissant de produits cosmétiques. Cela s’explique toutefois par une requalification des produits opérée par l’ANSM.

Les contrôles en laboratoire ont, en effet, démontré que certains produits cosmétiques préparés spécifiquement pour des clients contenaient à une teneur de 0,02% de la bétaméthasone, un corticoïde qui entre dans la composition de spécialités pharmaceutiques et qui ne peut être utilisé que dans le cadre d’une prescription médicale.

L’ANSM considère à cet égard que l’ajout de cette substance, interdite dans les produits cosmétiques confère aux produits « une finalité non pas cosmétique, mais préventive ou curative à l’égard de pathologies cutanées. ».

Dès lors, les produits contenant la substance bétaméthasone « ne répondent pas à la définition du produit cosmétique, mais à celle à celle du médicament par fonction au sens des dispositions de l’article L. 5111-1 du CSP. »

Or un médicament doit, pour pouvoir être commercialisé, avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché et sa vente au détail est réservée aux pharmaciens.    La violation du monopole pharmaceutique est sanctionnée au titre du délit d’exercice illégal de la pharmacie (art. L. 4223-1 du CSP).

La gravité des manquements précités, leur accumulation, et leurs implications potentielles expliquent vraisemblablement que l’ANSM ait, dans cette affaire, pris la décision de suspendre la commercialisation des produits et d’en ordonner leur retrait.

Il est rappelé toutefois que ces mesures ne sont pas systématiquement ordonnées, la phase contradictoire observée dans le cadre de la procédure de sanction pouvant conduire l’ANSM à envisager d’autres mesures (injonctions, sanctions financières). Les décisions de police sanitaire sont, en tout état de cause, des décisions administratives faisant des griefs susceptibles de recours.

Cette affaire illustre également la mise en œuvre du protocole de coopération signé le 7 janvier 2015 entre l’ANSM et la DGCCRF pour la surveillance du marché de certains produits réglementés. L’article 205 de la loi du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 prévoit, à compter du 1er janvier 2024, un transfert de compétences de l’ANSM vers la DGCCRF et l’ANSES en matière de produits cosmétiques et de produits de tatouage dans la mesure où ces derniers ne seront plus considérés comme des produits de santé visés à l’article L. 5311-1 du CSP.