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De l’utilité du recours au bail dérogatoire au statut des baux commerciaux
L’une des premières actions d’un entrepreneur qui entend développer un projet est de prendre à bail un local pour y exploiter son activité. Ce bail est généralement soumis au régime des baux commerciaux, conclu pour une période de 9 ans, comportant trois périodes triennales à l’issue desquelles le locataire peut donner congé (usuellement dénommé « bail 3/6/9 »). Néanmoins, l’engagement de 3 ans peut paraître long et inadapté à un entrepreneur soucieux de limiter son risque d’exploitation, notamment dans le cas d’une nouvelle activité ou d’implantation dans une nouvelle région. Le bailleur peut, quant à lui, craindre de conclure un tel bail, puisque ce type de bail accorde au locataire un droit au renouvellement du bail et ainsi la « propriété commerciale » : en d’autres termes, si le bailleur décide de mettre un terme unilatéralement au bail commercial, sauf rares exceptions légales, il a l’obligation verser au locataire une indemnité d’éviction correspondant à la valeur du fonds de commerce exploité.
Le statut des baux commerciaux peut ainsi apparaître comme très contraignant et desservir les intérêts des parties.
Une solution pour éviter d’être soumis aux règles du bail commercial est de conclure un bail dérogatoire. Autorisé par l’article L.145-5 du Code de commerce, un bail respectant les conditions d’application du statut des baux commerciaux peut, par la volonté des parties, ne pas être soumis à ce statut protecteur du locataire mais très contraignant.
L’intérêt de conclure un bail dérogatoire peut donc être d’éviter temporairement l’application de ce régime juridique et procéder à l’issue de ce bail, si le locataire et le propriétaire s’accordent, à la conclusion d’un bail statutaire de 9 ans. Dans cette logique, le bail dérogatoire est conclu lors de l’entrée dans les lieux du preneur, à la suite d’un état des lieux et pour une durée qui ne peut excéder trois ans. Il est possible d’envisager une succession de plusieurs baux dérogatoires, mais la durée totale de ces baux ne doit excéder trois ans.
Conçu comme un mécanisme transitoire et exceptionnel, les parties doivent faire preuve d’une volonté claire et non équivoque de soumettre le contrat à ce régime. Le statut des baux commerciaux ne sera alors pas applicable à cette convention. C’est le droit commun du louage de chose, beaucoup moins contraignant, des articles 1736 et suivants du Code civil, qui régira l’exécution du contrat. Par conséquent, aucun droit à la propriété commerciale ne sera accordé au locataire, qui ne dispose ni d’un droit au renouvellement du bail arrivé à son terme, ni d’une indemnité d’éviction.
Le bail dérogatoire constitue un outil souple, sans formalisme particulier. Si la signature d’un contrat écrit n’est pas impérative, elle est vivement recommandée. La rédaction d’un bail permettra aux parties de prévoir tous types de stipulations visant à encadrer les conditions de location du local.
Un attrait de ce dispositif est sa faculté de conversion. Dans l’hypothèse où le preneur reste et est laissé en possession au-delà du terme contractuel, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est régi par le statut des baux commerciaux pour une durée de 9 ans. Par cette conversion tacite, les clauses et conditions du bail dérogatoires sont transmises au nouveau contrat formé. L’intérêt des parties est donc de porter au bail dérogatoire les clauses essentielles du futur bail statutaire. A titre d’exemple, une clause d’indexation peut être envisagée alors même que le loyer est fixé librement et n’est pas plafonné.
Par ailleurs, l’utilité du bail dérogatoire réside dans la possibilité d’éviter la conversion et de sortir plus facilement de la relation créée, si les lieux n’apportent pas satisfaction ou si la solvabilité du preneur est contestable. En effet, les cocontractants ont la possibilité de renoncer au statut. Ils devront impérativement avant le délai d’un mois suivant l’expiration du bail, avertir leur cocontractant qu’il devra libérer les lieux à échéance.
Le bail dérogatoire est un outil remarquable qui offre aux parties la possibilité d’obtenir l’assurance que leurs attentes respectives seront vérifiées. Son adaptabilité favorise les relations d’affaires et permet tant au bailleur qu’au preneur d’envisager une relation contractuelle à long terme en anticipant l’application de la législation des baux commerciaux.