[DROIT SOCIAL] Revirement de jurisprudence : nouvelles pratiques en matière de congés payés

[DROIT SOCIAL] Revirement de jurisprudence : nouvelles pratiques en matière de congés payés
19/09/2023 , 04h26 Droit Social

Les entreprises vont être contraintes de changer leurs pratiques en matière de comptabilisation des périodes d’absence pour maladie dans le calcul des périodes ouvrant droit à des congés payés suite à 3 arrêts rendus par la Cour de cassation le 13 septembre dernier.

Si vous n’avez que 30 secondes

 

  • Les employeurs doivent comptabiliser les périodes d’absence pour maladie non-professionnelle dans la période d’acquisition des congés payés (Cassation sociale, 13 septembre 2023, n°22-17.340).
  • En cas d’arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou pour maladie professionnelle, l’acquisition de droits à congés payés n’est plus limitée à la première année d’absence (Cassation sociale, 13 septembre 2023, n°22-17.638).
  • La prescription du droit à congés payés ne commence à courir que lorsque l’employeur a mis le salarié en mesure d’exercer celui-ci en temps utile (Cassation sociale, 13 septembre 2023, n°22-10.529).

 

1. Comptabilisation des périodes d’absence pour maladie non-professionnelle dans le calcul des congés payés

Jusqu’à présent, la Cour de cassation jugeait que les périodes d’absence pour maladie non-professionnelle du salarié n’étaient pas assimilées à du temps de travail effectif et par conséquent, n’ouvraient pas droit à l’acquisition de congés payés.

Elle se fondait sur l’article L. 3141-5 du Code du travail, qui liste les périodes assimilées à du temps de travail effectif, et qui ne mentionne pas les périodes d’absence pour maladie non-professionnelle.

Cependant, ce texte de loi et la jurisprudence de la Cour de cassation qui en découlait étaient contraires au droit européen, plus particulièrement à l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sur le droit au repos et à la directive 2003/88/CE. La Cour de justice de l’Union européenne jugeait que les périodes d’absence pour maladie non-professionnelle devaient ouvrir droit aux congés payés.

La Cour de cassation met le droit français en conformité avec le droit européen et opère  un revirement de jurisprudence en jugeant que les périodes d’absence pour maladie non-professionnelle doivent être incluses dans la période d’acquisition des congés payés.

En l’absence de précision par la Cour de cassation sur la date d’application de cette nouvelle jurisprudence, elle s’applique immédiatement à toutes les situations en cours.

2. Comptabilisation des périodes d’absence pour maladie professionnelle au-delà de la première année

L’article L. 3141-3 du Code du travail dispose que les périodes d’absence pour maladie professionnelle ou consécutives à un arrêt de travail ne sont assimilées à du temps de travail effectif que dans la limite d’un an. Seule cette période était donc prise en compte pour l’acquisition de droits à congés payés.

Cette règle est contraire au droit de l’Union européenne tel qu’il résulte des textes précités.

La Cour de cassation juge donc dans le second arrêt du 13 septembre dernier que l’article L. 3141-3 du Code du travail doit être écarté et que, désormais, les périodes d’absence consécutives à un accident du travail ou en raison d’une maladie professionnelle doivent être incluses dans la période d’acquisition des congés payés, même au-delà de la première année.

En l’absence de précision par la Cour de cassation sur la date d’application de cette nouvelle jurisprudence, elle s’applique immédiatement à toutes les situations en cours.

3. Le point de départ d’une demande d’indemnité de congés payés

La demande d’indemnité de congés payés se prescrit par 3 ans (articles D. 3141-7 et L. 3245-1 du Code du travail).

Dans le troisième arrêt du 13 septembre 2023, la Cour de cassation juge, conformément au droit de l’Union européenne, que le point de départ de ce délai doit être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris dès lors que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé.

Il s’agissait en l’espèce d’une demande consécutive à la requalification d’un contrat de prestation de service en contrat de travail. La Cour de cassation a jugé que la prestataire, n’ayant pas été considérée comme salariée au moment de l’exécution du contrat, n’avait pas pu exercer son droit à congés payés. Elle a donc fait droit à sa demande de rappel des congés payés sur toute la période d’exécution du contrat, soit 10 ans.

Dans le cadre d’une relation salariale établie, il est important, pour les employeurs, d’informer régulièrement les salariés de leur nombre de jours de congés pris ou à prendre, au moyen par exemple d’une mention sur les bulletins de salaire.