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Les nouveaux contours de l’acte anormal de gestion
Les nouveaux contours de l’acte anormal de gestion
La gestion d’une entreprise est dictée par un principe bien établi : l’entreprise est libre de sa gestion et des dépenses qu’elle engage pour son fonctionnement. Le corollaire de ce principe est que l’administration fiscale n’est pas autorisée à s’immiscer dans la gestion de l’entreprise. Ainsi, à titre d’exemple, une entreprise n’est jamais tenue de tirer le maximum de profit des affaires qu’elle traite et ne peut pas, en principe, être tenue de rendre des comptes à l’administration fiscale sur ce point.
Néanmoins, la jurisprudence du Conseil d’État a depuis longtemps posé une limite à ce principe : l’administration peut remettre en cause (i) les dépenses mises en œuvre par l’entreprise qui ne se rattachent pas à une gestion « normale » et (ii) les dépenses qui ne sont pas exposées dans « l’intérêt direct » de l’entreprise. On pense notamment aux dépenses liées à des biens qui ne sont pas affectés à l’exploitation de l’entreprise ou encore aux dépenses qui ne reçoivent aucune contrepartie.
L’engagement de telles dépenses constitue un acte anormal de gestion.
L’acte anormal de gestion connaît différentes définitions issues des décisions du Conseil d’Etat. Il consiste notamment en l’acte « qui est accompli dans l’intérêt d’un tiers par rapport à l’entreprise, ou qui n’apporte à cette entreprise qu’un intérêt minime hors de proportion avec l’avantage que le tiers peut en retirer». Ainsi, une opération qui n’est pas contraire aux intérêts d’une entreprise peut comporter un avantage éventuel pour un tiers sans que cela lui confère un caractère anormal.
Dans un arrêt d’Assemblée Plénière du 21 décembre 2018 (affaire château de la Croë, n°402006) le Conseil d’Etat semble élargir la notion d’acte anormal de gestion à des opérations entre parties non liées, considérant que « constitue un acte anormal de gestion l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt ».
En l’espèce, la cession à un tiers des actions d’une société dont l’actif était principalement constitué d’un bien immobilier est remise en cause par l’administration sur le fondement de l’acte anormal de gestion. Le prix de cession est considéré comme « significativement inférieur à la valeur vénale » : la différence entre le prix de cession et la valeur vénale retenue par l’administration s’élève à environ 40 millions d’euros.
Le Conseil d’Etat considère dans ce cas d’espèce que l’administration est réputée avoir apporté la preuve du caractère anormal de l’acte dès lors :
- que le contribuable ne parvient à remettre en cause l’évaluation retenue par l’administration par aucun élément,
- et qu’il ne justifie pas que l’appauvrissement qui résulte de la cession à un prix inférieur à la valeur vénale a été décidé dans l’intérêt de l’entreprise, par nécessité ou en raison de la contrepartie obtenue.
Le Conseil d’Etat crée donc une nouvelle présomption en faveur de l’administration fiscale en cas de cession d’actif immobilisé à un prix minoré, acte pour lequel l’administration n’est plus tenue d’apporter la preuve du caractère délibéré de l’acte anormal de gestion.