[DROIT DES ASSURANCES] Assurance emprunteur : retour sur la loi Lemoine du 28 février 2022

[DROIT DES ASSURANCES] Assurance emprunteur : retour sur la loi Lemoine du 28 février 2022
06/04/2023 , 11h55 Droit des Assurances

Dernière importante réforme en matière d’assurance emprunteur, la loi n°2022-270 du 28 février 2022, dite « loi Lemoine », a suscité beaucoup d’intérêt, de par sa volonté de libéraliser le marché de l’assurance-emprunteur mais également de faciliter davantage l’accès à ce produit d’assurance, souvent indispensable à l’acquisition d’un bien immobilier.

Près d’un an après sa publication au Journal Officiel, LexCase propose de faire un point d’étape sur la loi Lemoine et ses premières incidences sur le marché de l’assurance

1) La loi Lemoine, un dispositif de libéralisation du marché de l’assurance-emprunteur

 

Issue d’une proposition parlementaire, la loi Lemoine a été conçue afin de promouvoir « un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur ».

Ce dispositif spécifique n’est pas inédit et s’inscrit dans un vaste mouvement de réformation de l’assurance emprunteur, initié notamment par la loi dite Lagarde du 1er juillet 2010 permettant le libre choix de l’assurance emprunteur, mais également par la loi Hamon du 17 mars 2014, qui a ouvert le droit à résiliation à tout moment dès la première année du contrat, et enfin par la loi Sapin 2, qui a été étendu le droit de résiliation au-delà de la première année.

Si la loi Lemoine s’inscrit inévitablement dans ce mouvement, cette réforme se veut néanmoins plus ambitieuse que les précédentes et promeut l’objectif de libéraliser davantage le marché de l’assurance-emprunteur, aujourd’hui essentiellement monopolisé par les établissements bancaires.

2) La faculté de résiliation et de substitution d’assurance-emprunteur

 

Mesure phare de la réforme, la loi du 28 février 2022 dite Loi Lemoine ouvre tout d’abord la possibilité de résilier et de changer à tout moment d’assurance-emprunteur, sans frais.

En effet et jusqu’à l’entrée en vigueur de cette loi, l’assuré n’avait la possibilité de résilier et de changer d’assurance emprunteur qu’à la date anniversaire du contrat.

La faculté de résiliation peut désormais s’effectuer à tout moment par l’envoi d’une  lettre de résiliation à son assureur, et par une demande de substitution auprès de l’établissement bancaire prêteur.

En cas d’accord, l’établissement bancaire dispose alors d’un délai de 10 jours ouvrés après réception de la demande, pour modifier par avenant le contrat de prêt et indiquer le nouveau taux annuel effectif global.

Pour permettre l’effectivité de cette mesure, les assureurs sont également tenus d’informer, chaque année, leurs assurés sur ce droit de résiliation et doivent également afficher le coût de l’assurance emprunteur sur une durée de huit ans.

Si cette mesure est entrée en vigueur au 1er juin 2022 pour les nouveaux emprunts bancaires, elle a par suite été étendue à l’intégralité des contrats en cours au 1er septembre 2022.

3) La suppression du questionnaire médical sous conditions

 

Outre la faculté de résiliation, la loi prévoit également à travers la création d’un article L.113-2-1 du Code des assurances, la suppression du questionnaire médical pour les prêts immobiliers inférieurs à 200.000 euros et arrivant à échéance avant les 60 ans de l’emprunteur.

Cette mesure a vocation à concerner près de la moitié des crédits immobiliers, le plafond correspondant sensiblement à la moyenne des emprunts réalisés par assuré.

À cet effet, il doit être précisé que ce plafond s’applique par assuré, de sorte que le plafond fixé en cas d’emprunt souscrit par un couple est fixé à hauteur de 400.000 euros, et porte sur l’encours cumulé des contrats de crédit.

4) Allongement du « droit à l’oubli » pour les personnes atteintes d’un cancer et extension aux victimes atteintes de l’hépatite C

 

Forte d’une volonté de faciliter l’accès aux emprunts bancaires au plus grand nombre, la loi Lemoine a également modifié l’article L.1141-5 du Code de la santé publique, qui devient ainsi rédigé : « dans tous les cas, le délai au-delà duquel aucune information médicale relative aux pathologies cancéreuses et à l’hépatite virale C ne peut être recueillie par les organismes assureurs ne peut excéder cinq ans à compter de la fin du protocole thérapeutique. »

Ainsi, et pour toute personne ayant souffert d’un cancer ou ayant été atteinte d’une hépatite C, le droit à l’oubli est désormais fixé à cinq ans.

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi Lemoine, ce droit à l’oubli n’existait pas pour les victimes atteintes d’une hépatite C et était fixé à dix ans pour les personnes ayant été atteintes d’une pathologie cancéreuse.

Enfin, une grille de référence énumérant un certain nombre de pathologies est mise en œuvre au titre de la convention AERAS pour toute personne malade ne relevant pas du droit à l’oubli.

5) Quelles incidences pour la loi Lemoine un an après son entrée en vigueur ?

 

Concernant les assureurs et distributeurs, les premiers impacts de la loi Lemoine sont essentiellement évaluables sur le plan organisationnel et opérationnel (accélération des mouvements tarifaires, nouveaux parcours de souscriptions, organisation des substitutions qui s’industrialisent davantage).

Il est également à noter que l’extension de la faculté de résiliation et de substitution permet d’affecter davantage les contrats anciens. Si avant la loi Lemoine, environ deux tiers des prêts substitués avaient moins d’un an, ce flux s’est considérablement réduit au profit des contrats anciens (cinq ans et plus).

Concernant la suppression du questionnaire médical, l’équilibre assurantiel n’a pas été modifié, la part de contrats souscrits entre 190.000 et 200.000 euros n’ayant pas sensiblement évolué depuis l’entrée en vigueur de la loi Lemoine.

Les incidences de la loi Lemoine semblent donc, pour l’heure, relativement limitées sur le marché de l’assurance-emprunteur.

Elles seront néanmoins particulièrement suivies sur l’année à venir puisque le Comité consultatif du secteur financier devra, dans les deux ans suivant la promulgation de la loi, remettre un rapport au Parlement, afin de mesurer les conséquences de la loi Lemoine, tant à l’égard des assureurs que des assurés.