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Le sort judiciaire des rapports incestueux d’une SCI créée pour héberger l’activité de sa société
Qu’il s’agisse de bureaux, d’un atelier ou d’une usine, il est souvent tentant pour le chef d’entreprise, de constituer à titre personnel une SCI pour acquérir un bien immobilier qu’elle relouera ensuite à sa société. Les visées patrimoniales d’un tel projet n’ont en soi rien d’illicites, mais nécessitent quelques précautions pour se préserver des dégâts collatéraux d’une déconfiture de l’entreprise locataire.
En effet, dans l’hypothèse d’une procédure collective, le mandataire judiciaire, soucieux de recouvrer tous les actifs possibles, n’hésitera pas à solliciter du Tribunal l’extension de la dite procédure collective à la SCI afin de pouvoir appréhender son patrimoine et le réaliser si nécessaire pour désintéresser les créanciers.
Cette extension, strictement encadrée par la jurisprudence, relève de relations « anormales » entre le bailleur et son locataire et d’un jugement qui étend les effets de la procédure collective de la société à la SCI pour ne constituer qu’un patrimoine unique des deux sociétés. Ainsi la liquidation judiciaire de l’entreprise peut conduire également à la perte pure et simple de la SCI, pourtant indépendante.
Compte tenu du caractère particulièrement grave d’une telle « sanction », l’extension ne peut intervenir que dans des cas stricts, qui banals en apparence, n’ont pourtant rien d’anodins en matière d’entreprises en difficulté. La jurisprudence considère ainsi notamment comme une relation anormale justifiant l’extension de la procédure collective à la SCI :
- l’absence de mesures de recouvrement ou de délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail ; Il n’est en effet par rare que le locataire en difficulté ne puisse plus honorer les échéances locatives. Compte tenu de l’identité des associés dans les deux sociétés, il est extrêmement fréquent que la SCI n’entreprenne strictement aucune mesure de recouvrement des loyers, tant cela, d’une part, peut paraitre incongru puisque donnerait l’impression de se poursuivre soi même, et, d’autre part, sans effet dés lors que la SCI connait parfaitement la situation de son locataire;
- l’annulation pure et simple des loyers sans contrepartie ;
- l’absence de comptabilité de la SCI ou une comptabilité démontrant des irrégularités, comme des charges de la SCI supportées par son locataire. La confusion entre les comptabilités ou l’absence pure et simple de celle-ci, peut conduire le Tribunal à retenir la fictivité de la SCI, considérée comme un simple écran entre l’immeuble et le locataire ;
- la dépendance totale de la SCI par rapport à son locataire. Il s’agit généralement de l’hypothèse dans laquelle le loyer payé par le locataire est déterminé, non pas par rapport à des prix de marchés, mais par rapport à l’emprunt souscrit, dont les échéances conduisent à un loyer très supérieur aux prix du marché. Le Tribunal peut également retenir la fictivité de la SCI.
Ces quelques exemples démontrent le soin particulier qui doit être porté aux relations entre une SCI et son locataire, lorsque les associés des 2 sociétés sont identiques. Pour incestueux qu’ils sont, ces rapports ne sont pas critiquables si une indépendance des deux sociétés est respectée, mais peuvent vite le devenir lorsqu’ils se confondent pour ne plus former qu’un tout.