[DROIT FISCAL] Requalification de gains issus de management package en salaires : nouvelle décision en cas d’interposition d’une société civile

[DROIT FISCAL] Requalification de gains issus de management package en salaires : nouvelle décision en cas d’interposition d’une société civile
19/02/2024 , 10h56 Droit Fiscal

Dans un arrêt du 7 février 2024, la Cour administrative d’appel de Paris s’est positionnée sur la question de la requalification en salaires, par l’administration fiscale, des gains issus de management package lorsqu’ils sont réalisés par l’intermédiaire d’une société soumise à l’IS.

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La Cour administrative d’appel de Paris rappelle que des gains de « management package » ne peuvent être requalifiés en salaires en l’absence de mise en œuvre, par l’administration fiscale, de la procédure d’abus de droit, pour écarter l’interposition d’une société civile, comme étant fictive ou comme ayant été créée dans un but exclusivement fiscal.

Ainsi, le risque de requalification en salaires devrait être écarté en cas d’interposition d’une société, soumise à l’IR ou à l’IS, à condition que la société interposée ne soit pas fictive et qu’elle n’ait pas été constituée dans un but exclusivement fiscal.

 

1. Rappel

Dans trois arrêts du 13 juillet 2021, le Conseil d’État a établi un principe d’imposition des gains issus de management package dans la catégorie « salaire », dans la mesure où ils trouvent essentiellement leur source dans l’exercice des fonctions de dirigeant ou de salarié.

L’application de ce principe, en cas de réalisation des gains de management package par l’intermédiaire d’une société interposée, avait été jugé dans deux arrêts du Conseil d’État :

  • Arrêt HERMERY du 27 juin 2019 (CE 27 juin 2019, n°420262) : refus du Conseil d’État de la requalification en salaires de la plus-value de cession d’actions de préférence réalisée par l’intermédiaire d’une société civile, et ce, du fait de l’interposition de cette société et de l’absence de mise en œuvre de la procédure d’abus de droit ;
  • Arrêt du 22 janvier 2022 (CE 22 janvier 2022, n°433965) : validation par le Conseil d’État de la mise en œuvre de la procédure d’abus de droit, visant à requalifier en salaires la plus-value réalisée par l’intermédiaire d’une société interposée. Ladite société était dépourvue de toute substance et présentait un caractère artificiel, le seul but de l’interposition étant de faire échapper à toute imposition la plus-value.

2. Faits de l’affaire

L’administration fiscale avait requalifié en salaires la plus-value de cession d’actions de préférence réalisée par un directeur général et sa femme, par l’intermédiaire d’une société interposée soumise à l’impôt sur les sociétés, sans mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit.

Les actions de préférence cédées avaient été apportées par les contribuables à la société interposée, 2 jours avant le débouclage de l’opération de LBO, à la même valeur que celle retenue pour la cession.

Le ministre de l’Économie et des Finances soutenait, devant la Cour administrative d’appel de Paris, que le fait générateur du gain litigieux n’était pas la cession, mais l’apport des ADP à la société interposée, de sorte que le gain constituait un complément de salaire imposable au titre de l’année de l’apport, entre les mains des contribuables.

La Cour juge, qu’en l’absence de remise en cause de l’interposition de la société par l’administration fiscale, il ne peut pas être considéré que :

  • Le gain de cession des ADP avait été acquis par le contribuable,
  • L’apport puisse constituer le fait générateur du gain. La plus-value d’apport ne peut être imposée en salaires directement entre les mains du contribuable, mais se trouve placée en sursis d’imposition.

3. Que retenir

Cette décision confirme l’impossibilité de requalifier les sommes litigieuses en traitements et salaires quand l’interposition des sociétés civiles ne peut être écartée par application de la procédure d’abus de droit. En effet, la société ne peut, par nature, percevoir de revenus relevant de la catégorie des traitements et salaires.

Ainsi, le risque de requalification en salaires devrait être écarté en cas d’interposition d’une société, soumise à l’IR ou à l’IS, à condition que :

  • La société interposée ne soit pas fictive ; et
  • Qu’elle n’ait pas été constituée dans un but exclusivement fiscal.

Dans ce cadre, il convient d’être très attentif au contexte dans lequel une société interposée est créée et aux motifs de justification autre que fiscaux de la création d’une telle structure.

Pour plus d’informations : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000049119535/