[URBANISME] Refus / retrait de permis de construire et substitution de motif en appel : la fin de la récréation ?

[URBANISME] Refus / retrait de permis de construire et substitution de motif en appel : la fin de la récréation ?

Rappel : 

  • En principe, l’administration est tenue d’indiquer l’intégralité des motifs justifiant sa décision de refus / de retrait de permis (art. L. 424-3 du Code de l’urbanisme) ;
  • Le Conseil d’État considère toutefois que cette obligation ne fait pas obstacle à ce que l’administration fasse valoir une substitution de motif, en première instance ou en appel, en soutenant que sa décision de refus peut être justifiée par « un autre motif que celui initialement renseigné » (CE19/05/2021, 435109). 
  • Le juge a alors la faculté de valider le nouveau motif de refus invoqué s’il considère que ce dernier est de nature à fonder légalement la décision et qu’il résulte de l’instruction que l’administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée initialement sur ce motif (CE, 06/02/2004, n°240560).
  • Cette pratique génère parfois des abus en permettant à l’administration de rattraper in extremis des refus / retrait de permis de construire fondés sur des motifs illégaux, en soulevant, en cours de contentieux, des vices mineurs qui n’avaient pas été initialement identifiés par les services instructeurs. 

Question à trancher :            

 

Le juge est-il tenu de faire droit à une demande de substitution de motif lorsque le nouveau motif invoqué par l’administration pour refuser / retirer un permis de construire apparaît fondé en droit ? 

Réponse de la CAA de Paris (CAA de Paris, 13 juin 2024, 23PA01626) : 

 

NON, lorsque « les circonstances de l’espèce » le justifient, le juge administratif peut rejeter une demande de substitution de motif quand bien même le motif de refus/retrait invoqué serait fondé. 

 

Il faut reconnaître que les circonstances de l’espèce plaidaient en faveur d’une telle solution : 

 

  • La demande de permis ne présentait aucune difficulté particulière ; 

 

  • La commune avait déjà présenté, en première instance et en appel, plusieurs demandes de substitution de motifs ne présentant « aucun caractère sérieux » ;

 

  • Un des motifs invoqués pour la première fois en appel était certes fondé mais reposait toutefois sur une irrégularité mineure et découverte tardivement par la commune (non-respect des dispositions du PLU relatives aux pentes de toitures). 

 

Dans ce contexte (malheureusement commun à beaucoup de dossiers), il paraissait effectivement souhaitable de ne pas permettre à la commune de multiplier les tentatives visant à « repêcher » une décision de retrait manifestement prise indépendamment de toute réflexion sur sa légalité. 


Reste qu’il est possible de s’interroger sur la pertinence du raisonnement de la Cour qui consiste, in fine, à valider l’annulation d’une décision de retrait de permis de construire indépendamment de tout vice de procédure, tout en considérant par ailleurs que le permis était bien affecté d’une illégalité…

 

Il reste ainsi à espérer qu’à l’avenir, la jurisprudence définira un cadre un peu moins « schizophrène » permettant de limiter les demandes de substitution de motifs intempestives.