Les exigences du RC ne sont pas toujours obligatoires

Les exigences du RC ne sont pas toujours obligatoires
28/10/2019 , 09h30 Droit Public des Affaires

Lex&Case FLASH

I/ Faits

Dans le cadre d’une procédure de mise en concurrence pour un marché de travaux routiers, un acheteur avait prévu au sein de son règlement une analyse d’un critère technique au regard de trois sous-critères :

  • Sous critère #1 : méthodologie employée
  • Sous-critère #2 : matériels employés et personnels affectés
  • Sous-critère #3 : qualité des matériaux et des prestations

Le RC précisait en outre que « toute absence de renseignement d’un sous-critère sera sanctionnée d’une note égale à zéro ». Or, l’offre d’un candidat ne contenait pas les informations relatives aux sous-critères #2 et #3 à savoir la qualité des matériaux employés, notamment leurs fiches techniques, et le rendement estimé de chaque poste.

 

II/ Question juridique

L’acheteur doit-il, conformément à ce qu’exige le RC, (i) mettre la note de 0 sur le sous-critère pour lequel il constate une absence de renseignements et (ii) classer cette offre ? Ou bien l’acheteur doit-il (i) considérer l’offre comme étant incomplète et donc irrégulière et (ii) la rejeter sans la classer ? Autrement dit, « le fait de prévoir dans les documents de la consultation que l’absence de renseignements exigés pour l’application d’un sous-critère sera sanctionnée par une note sur ce sous-critère égale à zéro fait-elle obstacle à ce que l’offre qui ne contient pas un tel renseignement soit éliminée comme irrégulière, puisque vous savez qu’une offre incomplète est une offre irrégulière ? »[1]

 

III/ Réponse du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat distingue en réalité plusieurs hypothèses selon l’utilité de l’exigence formulée au sein du DCE et le caractère nécessaire de ces éléments d’information demandés aux candidats (CE, 20 septembre 2019, Collectivité territoriale de la Corse, n° 421075).

 

  • Hypothèse #1 – Exigence du RC inutile – Si l’exigence du RC est manifestement inutile, alors l’acheteur ne pourra ni attribuer la note de 0, ni écarter l’offre (ou la candidature) pour incomplétude et donc irrégularité. A titre d’illustration, on peut considérer comme étant manifestement inutile le fait d’imposer une certaine police et une taille de caractères[2]. Ou encore est manifestement inutile l’exigence du RC de parapher toutes les pages du cahier des charges. En effet, le raisonnement sous-jacent est de considérer que les exigences du RC doivent être en rapport soit avec l’analyse des offres (par exemple, gagner du temps dans l’analyse en demandant de remplir des cadres de réponse technique) soit avec l’objet du marché. En aucun cas, les exigences du RC ne peuvent servir de barrière à l’entrée d’un marché public.

 

  • Hypothèse #2 – Exigence du RC nécessaire – Si l’exigence du RC est utile et nécessaire à la définition ou à l’appréciation de l’offre (ou de la candidature), alors l’acheteur a l’obligation de considérer cette offre comme étant incomplète et donc irrégulière et in fine la rejeter[3]. Il appartient à l’acheteur de qualifier cette offre d’irrégulière quand bien même le RC aurait prévu, dans un tel cas d’attribuer, la note de 0 sur ce critère. Le rapporteur public justifie le caractère obligatoire au motif que l’acheteur n’a pas « le choix des conséquences juridiques de l’irrégularité d’une offre » et ne peut s’autoriser « dans certains cas, d’accueillir une offre irrégulière ». Bien entendu, et dans cette hypothèse, l’acheteur aura la possibilité de régulariser l’offre considérée comme irrégulière. Se posera alors la question de savoir si les informations et documents manquants ne modifient pas les caractéristiques substantielles de l’offre[4].

 

  • Hypothèse #3 – Exigence simplement utile, sans être nécessaire (indispensable) – Si l’exigence du RC est utile sans être nécessaire à l’appréciation de la valeur de l’offre, alors l’acheteur – et dans l’hypothèse où le RC a prévu ce dispositif – pourra évaluer l’offre à 0 sur le critère concerné.

 

IV/ Résumé

 

[1] Conclusions Gilles Pellissier

[2] QE n° 23976, M. Jean-Louis Masson, JO Sénat, 17/11/2016, p. 4992 ; Réponse, JO Sénat, 02/03/2017, p. 915

[3] A été considérée comme étant utile et nécessaire à l’analyse des candidatures, l’exigence du RC imposant de demander aux candidats de produire les éléments d’information sur un support papier accompagné de copies dématérialisées remises par clés USB compte tenu du gain de temps dans l’analyse rendu possible par cette exigence (CE, 22 mai 2019, n° 426763).

[4] Art. R. 2151-2 du Code de la commande publique