Le refus de conclure une convention de prix peut-il justifier un prix facial plus bas que les concurrents ?

Le refus de conclure une convention de prix peut-il justifier un prix facial plus bas que les concurrents ?

Le refus de conclure une convention de prix peut-il justifier un prix facial plus bas que les concurrents ?

CE, 13 décembre 2019, Sté Edwards Lifesciences, n°422515


Le refus de conclure une convention avec le CEPS caractérise une différence de situation pouvant justifier, sans atteinte au principe d’égalité, la fixation unilatérale par le CEPS du prix de vente d’un dispositif médical à un montant inférieur aux prix des dispositifs médicaux comparables fixés par voie conventionnelle.

En l’espèce, conformément aux textes applicables, le CEPS a souhaité en 2017 procéder à une diminution du tarif de responsabilité et du prix limite de vente au public des bioprothèses valvulaires transcutanées aortiques (ci-après, « DM ») déjà conventionnées et inscrites sur la liste des produits et prestations remboursables.

A cette fin, la conclusion d’un avenant aux conventions de prix existantes a été proposée par le CEPS aux trois sociétés concernées.

Cependant, seules deux d’entre elles ont accepté de conclure un avenant lequel comportait, tout comme la convention initiale, outre les tarif et prix convenus, des remises en fonction des volumes de ventes constatés.

Face à l’échec des négociations avec la troisième société, le CEPS a fixé unilatéralement les tarif et prix du DM commercialisé par cette dernière.

Dans le cadre de cette fixation unilatérale et soucieux d’éviter des écarts de prix réels entre dispositifs comparables, le CEPS a pris en compte deux éléments :

  • (i) les tarif et prix négociés avec les autres sociétés, mais également ;
  • (ii) les remises a posteriori prévues conventionnellement pour les deux autres sociétés.

Intégrant alors par avance dans son raisonnement les remises prévisibles, sur la base d’estimations de vente, le CEPS a fixé unilatéralement des tarif et prix inférieurs à ceux fixés par voie de conventions pour les autres DM similaires.

Autrement dit, pour cette troisième société, le CEPS a fixé un tarif et un prix moins élevés car intégrant, par anticipation, les remises qui auraient pu être prévues par convention.

S’estimant lésée, cette dernière a introduit, devant le Conseil d’Etat, un recours pour excès de pouvoir contre la décision unilatérale du CEPS en tant qu’elle a fixé un tarif et un prix inférieurs à ceux négociés pour les DM similaires concurrents.

Le rapporteur public a conclu au non-respect du principe d’égalité en considérant que le CEPS disposait d’un moyen pour traiter ces DM similaires de façon plus homogène. Il a en ce sens rappelé l’existence des dispositions du II de l’article L. 165-4 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de l’article 59 de la loi du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, qui permettent également au CEPS de fixer, par voie de décision unilatérale, à défaut de convention, les remises obligatoires dues par les fabricants ou distributeurs des DM inscrits sous forme de marque ou de nom commercial.

L’application de cet article aurait pu permettre au CEPS de fixer unilatéralement des tarifs, prix et remises identiques pour l’ensemble des DM concernés.

Le Conseil d’Etat n’a toutefois pas suivi son rapporteur public. Il a, en effet, considéré qu’il n’y avait pas d’atteinte au principe d’égalité aux motifs :

  • D’une part, que « les sociétés qui, pour l’application des articles L. 165-2 et L. 165-3 du code de la sécurité sociale, choisissent de conclure une convention avec le CEPS déterminant le tarif de responsabilité et le prix des produits qu’elles commercialisent ne sont pas dans la même situation que celles qui refusent de conclure une telle convention et s’exposent ainsi à ce que le tarif de responsabilité et le prix de leurs produits soient fixés par décision unilatérale du CEPS »;

 

  • Et d’autre part, que la différence de traitement résultant de la fixation de tarif et prix inférieurs car intégrant a priori les remises sur la base d’estimations, par rapport à des tarif et prix supérieurs soumis au versement de remises a posteriori, était non seulement en rapport avec l’objet de la décision contestée mais n’était, en outre, pas manifestement disproportionnée au regard de la différence de situation considérée.

La position défendue par le rapporteur public de ne considérer l’existence éventuelle d’une différence de situation qu’au regard des produits concernés et « non du contexte des négociations », paraissait pourtant pertinente. Il semble, en effet, que reconnaître l’existence d’une différence de situation, de nature à justifier une différence de traitement ayant des incidences réelles « en termes de positionnement commercial et de trésorerie de l’entreprise », du seul fait de la réussite ou de l’échec des négociations menées avec le CEPS, revient à limiter sensiblement la liberté contractuelle des opérateurs.

La fixation unilatérale par le CEPS des tarif et prix des DM ne doit pas être un mécanisme aboutissant à sanctionner la société avec laquelle les négociations ont échoué et ainsi à contraindre implicitement celle-ci à accepter les conditions « contractuelles » souhaitées par le CEPS.