Garantie légale des vices cachés : définition et conditions de mise en œuvre

Garantie légale des vices cachés : définition et conditions de mise en œuvre
15/07/2019 , 04h47 Contentieux commercial

Garantie légale des vices cachés : définition et conditions de mise en œuvre

 

Vous avez acheté une maison et découvert après la vente qu’elle n’est pas isolée ? Vous avez acheté une machine industrielle qui présente des pannes répétées ? En présence d’un vice caché, nous vous expliquons quels sont vos droits vis-à-vis de votre vendeur.

Que vous soyez un particulier ou un professionnel, vous disposez contre votre vendeur d’une garantie légale des vices cachés qui vous permet d’obtenir un remboursement ou une réduction sur le prix de vente. 

L’article 1641 du Code civil met à la charge de tout vendeur, professionnel ou non-professionnel, une garantie légale contre les vices cachés des biens vendus :

« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. »

Ainsi lorsque vous achetez un bien, votre vendeur est tenu de vous garantir contre tous les défauts non visibles et non connus lors de l’achat qui rendent le bien impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui compromettent tellement cet usage que vous ne l’auriez pas acheté, ou à un prix moindre.

La garantie concerne aussi bien les ventes de biens mobiliers qu’immobiliers.

 

Quelles sont les conditions de mise en œuvre de la garantie légale des vices cachés ?

Pour mettre en jeu la garantie, il faut que 4 conditions soient réunies :

  • la chose doit avoir un défaut,
  • ce défaut doit la rendre impropre à l’usage auquel elle était destinée et donc revêtir une certaine gravité,
  • le défaut doit être caché,
  • le défaut doit être antérieur ou concomitant à la vente.

 

Dans certains cas, l’organisation d’une expertise amiable ou judiciaire peut s’avérer nécessaire pour déterminer contradictoirement l’origine et la nature du vice.

Attention : il n’y a pas de garantie si le trouble provient simplement d’une mauvaise utilisation de la chose, sans que celle-ci présente un défaut.

A noter : la garantie des vices cachés est exclue pour les ventes faites par autorité de justice (C. civ., art. 1649) et pour les ventes aléatoires où l’acheteur achète la chose à ses risques et périls.

Les ventes d’immeubles à construire ou les ventes d’animaux domestiques bénéficient d’un régime particulier.

 

Dans quel délai l’action en garantie doit-elle être exercée ?

Vous disposez d’un délai de 2 ans pour mettre en œuvre la garantie auprès de votre vendeur.

Ce délai court à compter de la découverte du vice.

S’agissant des ventes entre professionnels, la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt rendu le 16 janvier 2019 (cf. commentaire infra, rubrique Pour aller plus loin), que « l’action en garantie des vices cachés, même si elle doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription prévu par l’article L. 110-4 du code de commerce, qui court à compter de la vente initiale » (Cass. Com. 16 janvier 2019 – n°17-21.477 FS-PB).

Autrement dit entre professionnels, la garantie des vices cachés doit être mise en œuvre dans un délai de 5 ans suivant la vente, et dans les 2 ans suivant la découverte du vice.

 

Quels sont les effets de la garantie ?

L’article 1644 du code civil donne à l’acheteur « le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu’elle sera arbitrée par experts ».

En pratique, il convient de rapporter au vendeur le bien affecté du vice caché, ou de lui écrire par lettre recommandée avec accusé de réception en lui demandant :

  • Soit de lui restituer le bien contre remboursement du prix de vente,
  • Soit de conserver le bien en bénéficiant d’une réduction du prix de vente.

Si le vendeur était de mauvaise foi ou présumé tel, il doit des dommages-intérêts à l’acheteur (C. civ., art. 1645).

A défaut de solution amiable, vous n’aurez d’autre solution que de saisir la juridiction compétente pour faire trancher le litige par un juge :

  • Tribunal d’instance pour les litiges inférieurs à 10.000 euros,
  • Tribunal de grande instance pour les litiges supérieurs à 10.000 euros,
  • Tribunal de Commerce pour les litiges entre professionnels.

 

Notre cabinet dispose de collaborateurs expérimentés pour vous accompagner dans l’introduction et/ou le suivi de cette phase contentieuse, que vous souhaitiez assigner votre vendeur ou que vous soyez assigné par votre acheteur.

 

La garantie légale des vices cachés est-elle transmise en cas de ventes successives ?

Un bien peut faire l’objet de plusieurs ventes successives.

Le vendeur d’origine est débiteur de la garantie non seulement à l’égard de l’acheteur avec qui il a contracté mais également à l’égard de tous les sous-acquéreurs de la chose.

De sorte qu’en cas de ventes successives, le sous-acquéreur peut agir, au choix, contre son vendeur ou contre les vendeurs antérieurs, la garantie des vices cachés étant transmise avec le bien.

 

Si le vendeur est à l’étranger, la garantie prévue par le Code civil peut-elle être mise en jeu ?

Cela dépend de la loi (française ou étrangère) applicable au contrat.

En principe, la loi applicable au contrat est la loi choisie par les parties. A défaut de choix des parties, la loi applicable au contrat est déterminée par application des règles du droit international privé.

Si la loi française s’applique au contrat, la garantie légale des vices cachés peut trouver à s’appliquer.

 

 

 

 

Pour aller plus loin :

Cass. Com. 16 janvier 2019 – n°17-21.477 FS-PB : l’action en garantie des vices cachés, même si elle doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription prévu par l’article L. 110-4 du code de commerce, qui court à compter de la vente initiale.

En mars 2003, la société W confie la réalisation de travaux de charpente à la société X laquelle s’approvisionne en plaques de couverture auprès de la société Y qui se fournit elle-même auprès d’un fabricant italien, la société Z. Les plaques sont livrées en décembre 2003. En juillet 2015, la société W se plaint d’infiltrations et assigne les trois autres sociétés en résolution de la vente sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil relatifs aux vices cachés.

La société X est condamnée au paiement de diverses sommes par jugement du 24 février 2016. En revanche, elle est déboutée de ses appels en garantie contre son fournisseur Y et le fabricant italien Z.

La société X interjette appel et forme un recours en garantie contre Y et Z. Par arrêt du 21 janvier 2017, la Cour d’appel condamne la société Z in solidum avec la société Y à garantir la société X de l’intégralité des condamnations mises à sa charge.

Les appels en garantie posaient deux questions juridiques :

1/ La première question portait sur la recevabilité de l’appel en garantie formé contre le fabricant italien Z, au regard de l’article 4 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 relative à la vente internationale de marchandise qui régit exclusivement la formation du contrat entre le vendeur et l’acheteur.

Alors que les Premiers Juges avait débouté la société X de sa demande de garantie au motif qu’en qualité de sous-acquéreur des plaques et tiers au contrat de vente initial, elle ne pouvait intenter une action directe contre le fabricant italien en l’absence de tout lien contractuel, la Cour d’appel a déclaré au contraire recevable l’action directe exercée par la société X contre le fabricant italien Z après avoir considéré que la Convention de Vienne n’exclut pas l’application du droit français et l’action directe d’un sous-acquéreur contre le vendeur initial.

Par arrêt en date du 16 janvier 2019, la Cour de cassation approuve la position des juges d’appel : « Mais attendu qu’il résulte de l’article 7 de la Convention (…) que les questions concernant les matières régies par la Convention et qui ne sont pas expressément tranchées par elle sont réglées selon les principes généraux dont elle s’inspire ou, à défaut de ces principes, conformément à la loi applicable en vertu des règles du droit international privé ; qu’ayant énoncé que la Convention de Vienne régit exclusivement la formation du contrat de vente entre le vendeur et l’acheteur, la cour d’appel en a exactement déduit que la loi française, dont l’application n’a pas été contestée, qui régit l’action directe d’un sous-acquéreur contre le vendeur devait s’appliquer, de sorte que la société A était recevable à agir directement contre la société E ».

Autrement dit, la loi française supplée la Convention en l’absence de règles y afférentes.

La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de rappeler la règle posée par l’article 7 de la Convention dans un arrêt rendu le 02 novembre 2016 s’agissant de la mise en œuvre des règles régissant la prescription d’une action pour non-conformité (cf. Com. 2 nov. 2016, n° 14-22.114).

 

2/ La seconde question portait sur la prescription de l’action en garantie dirigée contre la société Y qui invoquait, au soutien de sa défense, l’application des dispositions de l’article L. 110-4 du code de commerce prévoyant un délai de prescription extinctive de 10 ans (dans sa version antérieure à la réforme opérée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008) en matière de commerce.

Les Juges du fond ont déclaré la demande non prescrite en retenant qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article L. 110-4 du code de commerce. Selon eux, l’action résultant des vices rédhibitoires, en application de l’article 1648 du code civil, devait être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, lequel n’avait été révélé par le rapport d’expertise qu’en juin 2015.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en retenant que « l’action en garantie des vices cachés, même si elle doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription prévu par l’article L. 110-4 du code de commerce, qui court à compter de la vente initiale, ce dont il résultait que, les plaques de couverture ayant été vendues et livrées en 2003, l’action engagée par la société V le 29 juillet 2013, était prescrite, ce qui, peu important que la société A se soit désistée de son appel sur ce point, interdisait de déclarer recevables ses demandes en garantie dirigées contre les sociétés B et E ».

La Cour de cassation confirme ainsi que la garantie des vices cachés doit être mise en œuvre dans le délai de la prescription extinctive de droit commun (cf. Civ. 1ère, 6 juin 2018, n° 17-17.438 à propos de l’action récursoire d’un vendeur contre le fabricant : est irrecevable l’action en garantie des vices cachés engagée par le sous-acquéreur contre le fabricant, postérieurement à l’expiration du délai, qui court à compter de la vente initiale, de la prescription extinctive prévue à l’article L. 110-4 du code de commerce, l’action récursoire contre le fabricant ne pouvant offrir à l’acquéreur final plus de droits que ceux détenus par le vendeur intermédiaire).