[URBANISME – ENVIRONNEMENT] Extension des constructions : le Conseil d’État fixe les limites

[URBANISME – ENVIRONNEMENT] Extension des constructions : le Conseil d’État fixe les limites

Dans le cadre d’un arrêt rendu le 9 novembre 2023, le Conseil d’État apporte d’importantes précisions sur la notion « d’extension d’une construction existante » qui est régulièrement mobilisée en droit de l’urbanisme et permet en général de bénéficier d’un régime plus souple que les constructions nouvelles.

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Dans le cadre d’un arrêt récent, le Conseil d’État vient fixer pour la première fois des critères jurisprudentiels généraux permettant de qualifier « l’extension d’une construction existante », en général soumise à un régime plus souple que les constructions nouvelles aux termes de la réglementation d’urbanisme :

  • Critère n°1 : l’extension doit présenter un lien physique et fonctionnel avec la construction principale.
  • Critère n°2 : l’extension doit présenter des dimensions inférieures à la construction principale.

Ces critères ne s’appliquent que lorsque le PLU ne limite pas expressément la dimension des extensions.

Les communes conserveront donc une marge de manœuvre pour assouplir la notion d’extension, en précisant par exemple que cette dernière peut s’appliquer aux agrandissements dans la limite de XX m2 ou de XX% de la surface de la construction principale.

 

Pour mémoire, la notion « d’extension d’une construction » est régulièrement mobilisée en droit de l’urbanisme, parfois avec de légères variantes.

À titre d’exemple :

  • Les extensions aux constructions existantes font l’objet d’une dérogation au principe de constructibilité limitée applicable au sein des communes non couvertes par un document d’urbanisme (art. L. 111-3 et L. 111-4 du CU)
  • À condition de présenter un caractère « limité », les extensions bénéficient d’une dérogation au critère de continuité de l’urbanisation applicable au sein des communes de montagne (cf. art. L. 122-5 du CU)
  • « Le simple agrandissement d’une construction existante » n’est pas concerné par le principe d’inconstructibilité dans les zones d’urbanisation diffuse prévu par la loi littoral (cf. CE 3 avril 2020 Commune de l’ile de Batz n°419139)
  •  De nombreux PLU fixent un régime dérogatoire au bénéfice des extensions, notamment au sein des zones agricoles / naturelles interdisant les nouvelles constructions.

Jusqu’à présent, cette notion d’extension ne faisait l’objet d’aucune définition générale, et la jurisprudence se limitait à des précisions au cas par cas.

En l’absence de document d’urbanisme, la caractérisation d’une extension impliquait selon la jurisprudence de justifier (1) d’une continuité physique et fonctionnelle avec la construction principale (cf. CE, 28 avril 1993, n°97775 ou CE, 7 février 1994, n°99382) et (2) d’une ampleur limitée en proportion de la construction initiale (cf. CE, 29 mai 2019, Ministre de la Cohésion des territoires et Priestley, n° 419921).

Ces précisions n’étaient toutefois pas transposables aux communes couvertes par un document d’urbanisme, au sein desquelles la notion d’extension est régulièrement précisée par le règlement ou les annexes du PLU (cf. par exemple CE, 25 juin 2003, Ministre c. Commune d’Aix-en-Provence, n° 222686).

En outre, la jurisprudence ne s’était jusqu’alors pas prononcée sur l’hypothèse d’une commune couverte par un PLU qui ne préciserait pas la notion d’extension.

C’est désormais chose faite depuis l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 9 novembre dernier, aux termes duquel :

1 : La notion d’extension implique en toute hypothèse de caractériser un lien physique et fonctionnel avec la construction principale.

2 : Lorsque le règlement du PLU ne limite pas expressément les dimensions des extensions, ces dernières doivent présenter des dimensions inférieures à la construction principale.

Le Conseil d’État reprend ainsi à son compte la définition proposée dans une fiche technique élaborée par le ministre chargé de l’urbanisme intitulée « lexique national de l’urbanisme », en référence au projet de lexique à valeur réglementaire annoncé depuis 2015 par l’article R. 151-15 du Code de l’urbanisme, mais dont l’adoption a vraisemblablement été reportée sine die par le gouvernement :

« L’extension consiste en un agrandissement de la construction existante présentant des dimensions inférieures à celle-ci. L’extension peut être horizontale ou verticale (par surélévation, excavation ou agrandissement), et doit présenter un lien physique et fonctionnel avec la construction existante. »

Si cette nouvelle définition jurisprudentielle est évidemment bienvenue, elle appelle deux séries de commentaires à destination des praticiens :

  • D’une part, la définition retenue n’a vocation à s’appliquer que lorsque le PLU ne limite pas expressément la dimension des extensions.

Les communes disposeront donc d’une réelle marge de manœuvre pour assouplir la réglementation applicable aux extensions, en précisant par exemple que cette notion couvre les agrandissements dans la limite de XX m2 ou de XX% de la superficie de la construction principale.

  • D’autre part, les précisions apportées par le Conseil d’État ne traitent pas certaines notions voisines de celle d’extension, mais susceptibles d’être plus contraignantes, telles que la notion d’extension « limitée » prévue par la loi montagne (art. L. 122-5 du Code de l’urbanisme) ou la notion d’extension « mesurée » régulièrement mobilisée par les PLU.

Afin de limiter l’aléa persistant sur ces sujets, il est certain que les auteurs de document d’urbanisme auront tout intérêt à définir précisément ces notions dans le règlement ou les annexes du PLU.

 

Article rédigé par Alexandre Lo-Casto Porte et Sixtine Bonaiuto de l’équipe de Droit de l’Urbanisme et de l’Aménagement.