[DROIT DES SOCIETES] La clause d’offre alternative dans les pactes d’associés : validité et conditions d’application

[DROIT DES SOCIETES] La clause d’offre alternative dans les pactes d’associés : validité et conditions d’application

La clause d’offre alternative dans les pactes d’associés : validité et conditions d’application


L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 12 février 2025 constitue une décision importante en matière de droit des sociétés et plus particulièrement quant à la validité des clause dites «
américaines » et sur l’articulation entre leur mise en œuvre, la détermination du prix de cession des titres, et le principe de bonne foi contractuelle.

Pour rappel, ces clauses, également appelées clauses de « buy or sell » ou « clauses d’offre alternatives », sont utilisées dans les pactes d’associés pour résoudre les situations de blocage entre associés. Elles permettent, en cas de désaccord grave paralysant la société, à un associé de proposer à l’autre partie de lui vendre ses parts à un prix qu’il fixe lui-même, en acceptant que l’autre partie puisse, à ce même prix, lui imposer d’acheter ses propres parts.

En l’espèce, deux coassociés d’une société à responsabilité limitée, détenaient respectivement 60 % et 40 % des parts sociales et exerçaient conjointement les fonctions de cogérants. Ils avaient conclu un pacte d’associés comprenant une clause d’offre alternative. L’associé minoritaire a mis en œuvre cette clause, proposant à l’associé majoritaire de lui céder l’ensemble de ses parts pour 40 000 euros, tout en lui rappelant qu’à défaut de lever l’option, il serait tenu de lui céder l’intégralité de ses propres parts au prix de 60 000 euros. L’associé majoritaire s’étant opposé à la mise en œuvre de la clause, l’associé minoritaire et la société l’ont assigné aux fins de le voir condamner à procéder à la signature de l’acte de cession.

La Cour d’appel d’Angers, par un arrêt du 7 mars 2023, a donné raison à l’associé minoritaire. L’associé majoritaire a alors formé un pourvoi en cassation, soutenant que le prix était indéterminé, que la clause n’avait pas été dûment activée en l’absence de désaccord grave, et que le co-gérant minoritaire avait manqué à son obligation de bonne foi, notamment en ne lui fournissant pas certains documents comptables.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle affirme tout d’abord que la clause prévoit un mécanisme suffisamment clair et réciproque pour que le prix soit considéré comme déterminable. Le fait que l’offrant s’engage à vendre ou à acheter au prix qu’il propose suffit à écarter tout caractère arbitraire. La Cour confirme ensuite l’appréciation souveraine des juges du fond quant à l’existence d’un désaccord grave entre les associés, perturbant durablement le fonctionnement de la société. Enfin, la Cour estime que la bonne foi n’imposait pas à l’associé minoritaire de fournir spontanément des informations, dès lors que l’autre partie ne les avait pas expressément demandées.

Cet arrêt vient donc confirmer la validité des clauses d’offre américaines dans les pactes d’associés. Il clarifie les conditions de leur mise en œuvre, en soulignant que le prix n’a pas besoin d’être fixé à l’avance, dès lors que la mécanique contractuelle permet à chaque partie de l’accepter ou de le retourner à son avantage. L’arrêt rappelle aussi que la bonne foi ne doit pas être invoquée de manière abusive pour bloquer des stipulations contractuelles claires. En cela, la décision participe à la sécurisation des relations entre associés et au respect de la volonté contractuelle en droit des sociétés.