Retrait d’un permis de construire obtenu par la fraude et délai raisonnable

Retrait d’un permis de construire obtenu par la fraude et délai raisonnable

Le retrait d’un permis de construire obtenu par fraude n’est pas soumis à un délai raisonnable d’un an


Par un arrêt du 16 août 2018, n°412663, Société NSHHD, le Conseil d’État précise utilement la portée du délai raisonnable d’un an dégagé par la jurisprudence Czabaj (1.) et pose une définition claire des éléments constitutifs d’une fraude justifiant le retrait d’un permis de construire (2.).

 

1/ Le principe de sécurité juridique fait-il obstacle au retrait, à tout moment, d’un acte administratif obtenu par la fraude ? 

 

Non. Le Conseil d’État rappelle qu’un acte administratif obtenu par la fraude peut être retiré à tout moment, sans condition de délai.

Cette solution intervient un peu plus de deux ans après la jurisprudence Czabaj, par laquelle le Conseil d’État a instauré, au nom du principe de sécurité juridique, l’obligation de respecter un délai raisonnable d’un an pour contester les décisions administratives individuelles notifiées, ou dont il est établi que l’intéressé a eu connaissance.

Écartant de manière laconique l’application du principe de sécurité juridique, le Conseil d’État applique scrupuleusement la jurisprudence constante, désormais codifiée à l’article L.241-2 du Code des relations entre le public et l’administration, selon laquelle tout acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être abrogé ou retiré à tout moment.

La décision du 16 août dernier a néanmoins le mérite de clarifier un peu plus la portée de l’arrêt Czabaj, en précisant expressément que le retrait des permis de construire obtenus par la fraude n’est pas soumis à un délai raisonnable.

 

2/ Quels sont les éléments constitutifs d’une fraude justifiant le retrait d’un permis de construire ? 

 

Le Conseil d’État rappelle qu’un permis de construire devenu définitif peut faire l’objet d’un retrait lorsque les conditions suivantes sont remplies :

▪ Des éléments ont été portés à la connaissance de l’Administration postérieurement à la délivrance du permis de construire

▪ Ces éléments révèlent l’existence d’une fraude à la date de la délivrance du permis de construire

Le Conseil précise également les éléments cumulatifs pouvant caractériser l’existence d’une fraude :

▪ le pétitionnaire a eu recours à des manœuvres de nature à tromper l’administration sur la réalité du projet

▪ le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle

▪ le pétitionnaire a agi dans le but d’échapper à une règle d’urbanisme

De sorte que la mention d’une simple information erronée n’est pas, à elle seule, constitutive d’une fraude.

En l’occurrence, l’existence d’une fraude a été révélée par l’examen des plans de coupe joints au dossier de demande de permis de construire litigieux qui présentaient le terrain d’assiette comme étant plat et « ne permettait pas d’établir la déclivité du terrain au niveau de la construction autorisée », alors qu’un précédent plan de coupe révélait que le terrain était en pente.

De plus, le juge a considéré que la circonstance que la société pétitionnaire ait repris le plan de coupe figurant dans le dossier de demande présenté par le précédent propriétaire n’était pas de nature à l’exonérer de sa responsabilité dès lors qu’elle ne pouvait ignorer que le terrain était en pente.

 

CE, 16 août 2018, n°412663, Sté NSHHD

« 2. Un permis ne peut faire l’objet d’un retrait, une fois devenu définitif, qu’au vu d’éléments, dont l’administration a connaissance postérieurement à la délivrance du permis, établissant l’existence d’une fraude à la date où il a été délivré. La caractérisation de la fraude résulte de ce que le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l’administration sur la réalité du projet dans le but d’échapper à l’application d’une règle d’urbanisme. Une information erronée ne peut, à elle seule, faire regarder le pétitionnaire comme s’étant livré à l’occasion du dépôt de sa demande à des manœuvres destinées à tromper l’administration ». 

(…) 

« 6. En dernier lieu, si la société soutient que le retrait d’un acte obtenu par fraude devrait être soumis à un délai raisonnable d’un an au nom du principe de sécurité juridique, un tel moyen doit être écarté, un acte obtenu par fraude pouvant être légalement retiré à tout moment ».