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Plaidoyer pour un délai de « standstill » dans les marchés à procédure adaptée
L’acheteur a tout intérêt à respecter un délai raisonnable avant de signer un Mapa. La transparence n’est pas incompatible avec l’efficacité de la commande publique.
Dans les marches publics passes selon une procedure for malisee, l’acheteur doit respecter un délai dit de standstill (de ll ou 16 jours) entre la notification de la decision d’attnbu lion et la signature formelle du contrat Ce délai résulte de l’ar hcie 101 du decret n° 2016 360 du 25 mars 2016 relatif aux mar ches publics Le but est de permettre aux candidats évinces de présenter, si besoin un réfère precontractuel devant le juge ad mmistratif II s’agit également de leur garantir la possibilité de poser des questions et de se renseigner sur les conditions d at tribution du marche perdu
En revanche, dans les marches publics faisant I objet d une procedure adaptée autrement dit les Mapa -, aucun texte n’im pose un tel délai Et ce alors même que le plafond des Mapa en travaux est aujourd’hui de 5 548 000 euros HT La jurisprudence n’a pas comble ce vide En effet, tant sous l’empire de l’ancien Code des marches publics que depuis la reforme (opérée par l’ordonnance n° 2015 899 du 23 juillet 2015 et le decret précité) qui prevoit dorénavant une obligation de notifier une decision de rejet aux candidats évinces en Mapa (I), le Conseil d’Etat a re fuse de reconnaître l’existence d un délai de standstill (2), même raisonnable O), avant la signature du marche
Or, le réfère precontractuel ne pouvant etre exerce apres la signature de l’acte d’engagement par le pouvoir adjudicateur, il arrive régulièrement qu un candidat évince non informé de la date de signature du marche, presente son réfère trop tard et se voie donc déboute (4)
Au fil de ses decisions, le Conseil d Etat a justifie son refus de reconnaître un délai de standstill en Mapa par :
- l’absence de dispositions en ce sens dans les textes européens ou nationaux (notamment dans la directive 2007/66/CE du ll decembre 2007, dite « Recours »),
- L’absence d atteinte au droit a un recours juridictionnel effectif (5),
- l’absence de regle tirée des principes fondamentaux de la commande publique
- l’esprit des Mapa, procédure rapide justifiant un formalisme peu important,
- la difficulté a apprécier le caractère raisonnable du délai, compte tenu de la diversité des Mapa
Principes de la commande publique. Rappelons cependant que c’est sur le fondement des principes de la commande publique (6) et de I efficacité du réfère précontractuel que le Conseil d’Etat avait crée, en 2007, un délai raisonnable en Mapa L’idée n est donc pas nouvelle Les sages du Palais Royal avaient a l’époque juge que I information sur le rejet des candidatures vi sait a permettre aux candidats évinces de contester ce rejet, notamment, devant le juge du réfère precontractuel L’information devait donc, pour cette raison, être donnée dans un délai raisonnable avant la signature du contrat (7) Cette jurisprudence a été abandonnée en 2011 avec l’arrêt « Grand Port maritime du Havre » précité Bien que certaines juridictions du fond se soient opposées a cet abandon (8), le Conseil d’Etat a mainte nu sa position (9)
Et pourtant plusieurs arguments pourraient justifier de respecter un délai raisonnable avant la signature d’un Mapa
Garantir le droit des candidats à un recours effectif et efficace
Premier argument le réfère précontractuel permet de renforcer l’efficacité du droit au recours effectif et la protection des intérêts des entreprises dans un cadre de transparence Sans délai raisonnable, on peut considérer aujourd’hui que le droit a un recours effectif ne’st pas assure en France pour les candidats évinces en Mapa
Par son cadre procédural performant et rapide, le réfère précontractuel permet de purger rapidement la passation du marche de ses éventuelles irrégularités et cela, contrairement aux autres voies de recours dont bénéficie le candidat écarte. En effet
- la voie du réfère contractuel (exerce postérieurement a la signature du marche) est difficilement ouverte et inefficace en pratique, notamment parce que les hypothèses de déclenche ment et de contrôle sont trop étroitement limitées par le Code de justice administrative (10),
- Le recours indemnitaire ne permet qu’une simple compensa non pécuniaire de l’illégalité commise au stade du choix des offres De plus, le préjudice economique est difficile a démontrer et tres sévèrement apprécie par les tribunaux administratifs,
- le recours dit « Tarn et Garonne » (ll) ne sera pas satisfaisant pour le candidat évince Une entreprise préférera toujours avoir une nouvelle chance de remporter un marche public plutôt que de solliciter son annulation ou sa résiliation – avec, de plus, trente mois d’attente en moyenne pour obtenir une even tuelle decision
Ces voies de recours garantissent, en théorie, un droit au re cours effectif Toutefois, en pratique, seule la mise en place d’un délai raisonnable laissant la possibilité d’engager un réfère précontractuel permet d’assurer un droit au recours efficace pour les candidats évinces d’un Mapa.
Favoriser une bonne utilisation des deniers publics et plus de transparence
Deuxième argument, les objectifs d’efficacité de la com-mande publique et de bonne utilisation des deniers publics ne sont pas incompatibles avec le respect, même en Mapa, d’un délai de stands:;//
Le réfère precontractuel permet en effet, en purgeant le litige le plus en amont possible, de rectifier la procédure de passation, et garantit le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse Or, si ce réfère n’est pas exerce immédiatement après la désignation de l’attributaire, il n’y a alors qu’un contrôle a pas tenon de la passation du marche Un tel contrôle prendra du temps et entraînera des coûts financiers supplémentaires (frais d’avocats, mobilisation des équipes, indemnisation potentielle du manque a gagner, etc.).
Se comporter avec la plus élémentaire des «courtoisies»
Enfin, la mise en place d’un délai de standstill dans les Mapa « est conseillée par le ministère de l’Economie sur tous ses sup ports de communication en matière de marches publics [ ] », a souligne une réponse ministérielle publiée en 2016 (12) Cela constitue pour les acheteurs publics «une mesure d’élémentaire courtoisie a l’égard des entreprises candidates » Dans sa réponse, Bercy précisait également que « si une révision de [la directive Recours] devait intervenir, cela pourrait être l’occasion d’aborder la question des [Mapa] et de repenser l’archi lecture des recours en matière de contrats de la commande publique » Et ajoutait que « d’ores et déjà, les acheteurs publics peuvent se soumettre volontairement a ces formalités en procédure adaptée »
Par ailleurs, il semble anormal de prendre plusieurs jours pour analyser une offre, et de n’en laisser aucun au candidat évince pour étudier et comprendre la lettre et les motifs lm an nonçant le rejet de son offre
Un délai pourrait être fixé par l’acheteur public au cas par cas
A l’inverse, on peut aussi démontrer qu’il n’y a pas de bonnes raisons de refuser d’accorder un délai raisonnable aux candidats évincés :
Un tel délai ralentirait l’achat public ? Faux II vaut mieux re pondre d’emblée aux questions des candidats évinces, car les signatures précipitées elle manque de transparence peuvent, au contraire, faire naître des suspicions Et entraîner de longues procedures au fond (recours « Tarn et Garonne ») qui vont occuper les services de la collectivité bien au délà de quelques semaines. En outre, si le délai est inexistant aujourd’hui notre recommandation n’est pas d’appliquer de manière générale et uniforme un seul et unique délai pour toutes les procédures adaptées.
Il serait tout à fait envisageable que, pour les Mapa dépassant un certain montant nécessitant une préparation d’offre assez complexe et longues, un délai de trois à cinq jours a minima spot respecté. Bien entendu, un marché de travaux de 4 millions d’euros pourrait se voir appliquer un laps de temps un peu plus long. Dans le respect de procédures dites “adaptées, la question du délai ne doit nullement être tranchée et imposée par le règlement ou par la loi.
Instaurer un “délai raisonnable” dans le décret marchés publics serait une mauvaise solution : ce serait laisser place à une discussion sans fin sur les limites du “raisonnable”. Il doit revenir ) chaque acheteur public d’apprécier la dose et le calendrier de la “courtoisie” commerciale dont il veut faire preuve. Et donc de fixer ce délai au cas par cas.
- Un délai de standstill compliquerait l’achat public ? Faux L’idée est de laisser un temps raisonnable aux candidats pour poser des questions sur les résultats de la consultation et, le cas échéant, identifier rapidement des erreurs éventuelles Des erreurs qui auraient objectivement pu impacter le choix final de l’attributaire, et ce, au détriment tant de l’opérateur prive évince que de la collectivité acheteuse La précipitation ne saurait être gage de simplification
- Ce délai affaiblirait la sécurité juridique des passations en procédure adaptée ? Faux, encore II ne faut pas craindre les ques lions ni le contrôle du juge des réfères precontractuels Depuis neuf ans, celui ci a en effet développe une jurisprudence très équilibrée entre respect de la liberté de l’acheteur public dans son analyse des offres el respect des grands principes de la com mande publique au bénéfice des opérateurs prives
A l’acheteur public de jouer.
Même si un revirement est toujours possible, le Conseil d’Elal semble allache a son refus de prévoir un délai raisonnable en Mapa La responsabilité de mettre en place un lei délai devrait alors revenir a l’acheteur public dans l’organisation de ses procédures internes Deux possibilités lui sont ouvertes
- Soit la fixation d’un délai minimal pour tous les Mapa Une telle règle présenterait l’inconvénient de s’appliquer indistinctement a tous ces marches sans prendre en compte leur nature ou leur montant
- Soit l’obligation pour les acheteurs d’indiquer, au sein de leur lettre de rejet, la date a laquelle ils envisagent de signer le marche au cas par cas Cette règle présenterait le double avantage de responsabiliser l’acheteur sur l’information donnée, et d’informer clairement les candidate sur le délai imparti pour introduire un réfère precontracluel •
Ce qu’il faut retenir
- En Mapa a la différence de ce qui prévaut en procédure formalisée I acheteur public n’est pas tenu de respecter un délai dit de standstill entre la notification de la décision d’attribution et la signature formelle du contrat
- Le Conseil d Etat sous l’empire du décret marches publics du 25 mars 2016, refuse toujours de reconnaître I existence d un délai raisonnable avant la signature d un Mapa
- Ce délai offrirait pourtant plus de transparence, et permettrait de purger le plus tôt possible la procédure de passation de ses éventuels litiges Octroyer un tel délai relève aussi, selon
les termes de Bercy, de la plus élémentaire courtoisie - A chaque acheteur donc d instaurer s’il le souhaite un
tel délai, en indiquant par exemple, dans les lettres de rejet envoyées aux candidats évinces, la date envisagée de signature du contrat