La lettre d’intention : Quand vous engage-t-elle ?

La lettre d’intention : Quand vous engage-t-elle ?

La lettre d’intention (également désignée Letter Of Interest – « LOI ») désigne comme on le sait le document précontractuel par lequel les parties à une négociation définissent le cadre et les limites de celle-ci et/ou expriment leur intention de parvenir à la conclusion du contrat projeté, notamment en matière de cession de sociétés.

Une telle lettre peut, ou non, avoir une valeur juridique contraignante selon son contenu et les éventuels engagements pris par les parties : si ces engagements ne sont pas fermes, les parties pourront se rétracter.

Il convient donc d’apporter une attention toute particulière à la rédaction de celle-ci, selon la volonté des parties de faire une simple déclaration d’intention ou de faire naitre de véritables obligations engageant la responsabilité contractuelle ou permettant, dans certains cas, la cession forcée.

  1. Rappel du mécanisme offre/acceptation en droit civil

Le contrat se forme par la rencontre d’une offre et d’une acceptation, et répond à des conditions de validité : capacité, consentement, objet et cause.

L’offre doit être ferme et précise, et l’acceptation doit se faire sans réserve, de manière à révéler la volonté non équivoque des parties d’être lié par le contrat.

L’offre peut être assortie d’une ou plusieurs condition(s) suspensive(s) (par exemple condition de financement), de sorte que le contrat n’est formé qu’en cas de réalisation des conditions. Elle peut également être assortie d’une condition résolutoire, le contrat n’étant alors formé qu’en cas de non réalisation de l’événement concerné.

Le régime de l’offre et de l’acceptation reste inchangé avec la réforme du droit des obligations résultant de l’adoption de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 et prend désormais place aux articles 1113 à 1122 nouveaux du Code civil.

  1. Application du mécanisme à la lettre d’intention pour une opération de cession

La lettre d’intention équivaut à une offre dont la contre-signature vaut acceptation. Pour engager les parties, elle doit donc répondre aux conditions exposées ci-après, c’est-à-dire comprendre les éléments essentiels du contrat envisagé et exprimer la volonté de son auteur d’être lié :

  • Description de l’opération, notamment de la forme juridique de l’opération et des sociétés cibles ;
  • Précision et fermeté, indiquant la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation ( Com., 6 Mars 1990, n° 88-1.9603 et nouvel art. 1114 du Code civil). Dans ce cas, une cession forcée peut être envisagée.

A défaut, il pourra être considéré que les parties sont au stade des pourparlers précontractuels, la LOI ne constituant alors pas une offre définitive et laissant à son auteur la faculté de se rétracter, tout en engageant dans certains cas sa responsabilité. Bien que la réforme du droit des obligations consacre la responsabilité des parties en cas de manquement dans la rupture de pourparlers, comme nous le verrons dans la prochaine édition de Lex&Case, il n’existe pas dans ce cas de risque de cession forcée, mais seulement d’indemnisation de l’auteur d’une rétractation fautive ;

  • Exhaustivité : la LOI doit contenir l’ensemble des éléments essentiels à l’opération définitive, de manière à être acceptée telle quelle et à ce que les conditions contractuelles à appliquer entre les parties en découle ;
  • Prix et modalités de paiement, ou à tout le moins la méthode précise de calcul du prix. Il convient également de décrire les éléments financiers sur la base desquels le prix est fixé (montant des capitaux propres du dernier bilan arrêté, résultat net, etc.).

A défaut, le prix n’étant ni déterminé ni déterminable, la LOI ne peut constituer qu’un accord de principe (Cass. Com., 6 novembre 2012, n°11-26.582) ;

  • Enonciation du caractère contraignant ou non : les parties souhaitant donner un caractère contraignant à la LOI préciseront que, par cette lettre, elles s’engagent à réaliser l’opération ;
  • L’audit juridique, condition suspensive de la cession : si les parties souhaitent subordonner la signature de l’acte définitif à la réalisation d’un audit confirmant les éléments annoncés par le vendeur, il convient d’être très vigilant quant aux termes employés.

En effet, la lettre d’intention prévoyant une cession « sous réserve de la réalisation d’un audit satisfaisant » de la société cible peut être interprétée comme donnant aux parties la faculté de ne pas conclure la vente (CA Paris, 9 mars 2004, n°2002/18445).

Pour lier les parties, il convient donc d’ériger le caractère satisfaisant de l’audit en condition suspensive de la cession, en bornant les notions de satisfaction attendues et préciser que les parties s’engagent à la cession en cas de réalisation de celle-ci.

  • La garantie d’actif et de passif, élément substantiel du consentement. Lorsqu’une telle garantie est envisagée, il convient de la mentionner dans la LOI pour lui donner le caractère d’un élément essentiel de la cession.

 


Nos conseils pratiques pour s’assurer du caractère contraignant d’une lettre d’intention :

Ne pas utiliser le conditionnel

– Utiliser des formulations fermes et précises dénotant une volonté non équivoque de s’engager

– Etre exhaustif et prévoir l’ensemble des éléments essentiels à l’opération

– Ne pas renvoyer à un accord ultérieur certaines modalités encore